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ToggleDe l’araire à la charrue
Au début de l’agriculture, la houe à lame de pierre servait à préparer les sols (retourner et égaliser la terre, creuser des sillons), et pour l’ensemencement, il y avait le bâton à fouir, simple bâton pointu, à l’origine de la bêche, puis, par traction du soc, de l’araire (de l’occitan, issu du latin aratrum). L’araire en bois est le plus ancien des instruments aratoires
L’araire
L’araire, le plus souvent en bois, est composé de trois parties essentielles :
– le mancheron , tenu par la main de l’homme, permet de guider l’araire.
– le sep (souvent appelé dental), pièce centrale dont la pointe est coiffée du soc pointu (ou conique) qui entre en contact avec la terre.
– l’age (haie ou flèche selon les régions), pièce généralement courbe, prolongé en avant par le timon et fixé en arrière au talon du sep, qui relie l’araire au brancard ou au joug auquel sont attelées les bêtes de trait.
L’araire est un instrument de culture attelé léger qui complète les outils manuels (houe, bêche).
À la domestication du bœuf en Mésopotamie correspond le passage d’une culture à la houe à celle à l’araire. Associé à un animal (bœuf, âne…), il permet la conquête de nouveaux espaces cultivés ainsi qu’une intensification de l’exploitation agricole. Dans sa forme la plus élémentaire, l’araire est composé d’une simple fourche en bois dont l’une des branches sert de perche d’attelage et l’autre, taillée en pointe, ouvre le sol. Une telle structure limitait l’araire aux terrains peu accidentés, sans obstacles, en particulier les sols sablonneux, des plaines d’inondation basses et fertiles. Dans les modèles plus élaborés, la partie active peut être en bois (durcie au feu), ou armée d’une lame en silex ou en fer. L’araire égratigne le sol sans le retourner. Son passage répété permet de lutter contre les mauvaises herbes en déchaussant leurs racines, de préparer le sol avant les semailles – en l’aérant et en l’ameublissant – et de recouvrir les graines après les semis.
Les traces de sillons fossiles les plus anciennes, attestant l’usage de l’araire, ont été repérées dans le Khuzistan, en basse Mésopotamie, et sont datées vers 5000 à 4500 avant J.-C. C’est au cours du IVe millénaire que l’usage de l’araire semble s’étendre au Proche-Orient, avant de gagner le pourtour méditerranéen et l’Europe où sa présence est attestée dès le début du IIIe millénaire par des traces de labours préhistoriques, fossilisées sous des tombes et datées, pour les plus anciennes (Danemark), aux alentours de 3000 avant J.-C. En Europe continentale, son introduction remonte probablement à l’époque néolithique, mais l’araire ne se propage pas vraiment avant le début de l’Âge du bronze, entre 2000 et 1500 av. J.-C.
Alors que la plupart des outils du Moyen Âge étaient à l’origine fabriqués en bois, une évolution majeure s’est produite : l’apparition des forges. Présentes au cœur de quasiment tous les villages, elles ont permis de fabriquer des outils en métal, bien plus robustes et efficaces.
La mise au point de fours élevant la température jusqu’à 1500°, température de fusion du fer, avait permis de développer des forges et de travailler le fer (rare et d’un prix élevé) qui fût alors utilisé pour les haches, les faucilles, les houes et les bêches pour retourner la terre. La charrue à roues, munie d’un soc, d’un coutre et d’un versoir (en bois d’abord), remplaça l’araire dans nos plaines du Nord de l’Europe. Elle permit de retourner la terre en profondeur, mais elle nécessita ensuite le passage de la herse, pour réduire les mottes.
Historiquement la charrue n’est pas une évolution de l’araire mais une différentiation pour un outil spécifique utilisé pour des labours dans un type de terres particulières. C’est un outil plus complexe que l’araire. La charrue, apparue plus tardivement, se diffuse autour de la Méditerranée et surtout dans la plaine du nord de l’Europe, où elle permet la mise en culture des sols lourds et argileux. L’araire est adapté à des sols nus ou faiblement gazonnés, qui tendent à s’ébouler facilement pendant ou après le passage de l’outil. La charrue est adaptée à des sols gazonnés, ou qui pour d’autres raisons tendent à conserver une forte cohésion.
Mais sa principale différence d’avec l’araire est le soc dissymétrique et le versoir qui permettent de retourner la terre sur le côté pour mieux l’aérer et enfouir les mauvaises herbes.
Les éléments essentiels d’une charrue sont à peu près les mêmes que ceux de l’araire : age, sep et mancherons. Mais l’ajout d’autres pièces entraîne d’importantes modifications : c’est d’abord l’avant-train, muni de roues de dimensions souvent inégales pour permettre à la charrue de garder sa stabilité lors du labour (une roue passe sur la terre non encore travaillée, l’autre au fond de la raie précédemment tracée). Autre élément nouveau par rapport à l’araire, le coutre, lame de fer destinée à découper la motte de terre, qui sera ensuite soulevée par le soc et renversée par le versoir. La charrue, beaucoup plus lourde que l’araire, nécessite la présence de deux mancherons pour assurer une meilleure conduite par le laboureur. L’age devient un axe très long sur lequel sont fixées toutes les pièces travaillantes. Soc et versoir sont dans le prolongement l’un de l’autre, formant en fait une seule pièce reliée à l’age par les étançons et située sur le côté de celui-ci (n’oublions pas que le principe du labour à la charrue repose sur la dissymétrie).
Elle s’est plus largement répandue en Europe lors de la révolution agricole du Moyen Âge (Xe-XIIIe siècle), où son utilisation, conjointement à celle du fumier, a permis d’augmenter la productivité agricole. A partir du XIIIe siècle, la diffusion en Europe septentrionale de l’attelage avec des chevaux plutôt que des bœufs permet de labourer plus vite et donc de multiplier les labours et d’améliorer les rendements. On en fait jusqu’à six ou sept au lieu de trois précédemment (pour enfouir les chaumes de la précédente récolte, arracher les repousses de mauvaises herbes et préparer enfin les semis).
En sa forme primitive, la charrue est parfaitement adaptée au labour en billons et à sa variante la plus fréquente, le labour en planches. Le principe de ce labour est simple : une fois que la charrue a terminé sa première raie et qu’elle effectue le trajet en sens inverse, le versoir, qui se trouve orienté vers le sillon de terre soulevée par le premier passage, rejette à nouveau la terre sur celui-ci. Ce type de labour est excellent dans les sols humides, dont il facilite l’écoulement. Par contre, il n’est guère nécessaire en pays méditerranéen où on lui préfère le labour à plat : à chaque passage, on modifie l’orientation du soc et du versoir de façon à renverser la terre toujours dans la même direction. S’il était facile de modifier l’inclinaison d’un araire, muni de deux oreilles symétriques à l’axe, la chose se complique avec une charrue. Mais très vite sont nés des instruments de type tourne-oreille qui ont permis de simplifier la tâche du laboureur : l’oreille y est un versoir mobile, que l’on fixe alternativement d’un côté et de l’autre de l’age chaque fois que la charrue arrive à l’extrémité de la raie.
Avec l’apparition des moteurs et du machinisme agricole, elle est aujourd’hui mue par des tracteurs. Ceux-ci de plus en plus puissant peuvent se permettre de tracter des charrues à multiples socs, en réalisant de ce fait un travail en parallèle.
Dès 1829, des modèles de charrues très perfectionnés apparaissent.
Charrue Pluchet
La particularité de cette charrue, mise au point par Vincent Pluchet en 1829, est de présenter un
réglage du labour en hauteur et en largeur, réglage qui se fait en conduisant et non en l’arrêtant. Cette charrue sera utilisée jusqu’à l’arrivée des tracteurs dans les années 1950
Charrue Brabant
La charrue Brabant double est née des améliorations apportées au modèle primitif de cet instrument pour faciliter le labour à plat. D’amélioration en amélioration, et toujours pour faciliter le labour à plat, on allait arriver à la charrue Brabant double. L’instrument est composé de deux corps de charrue superposés que le cultivateur, à l’aide d’une poignée, fait pivoter de 180° ou de 90° (cas du brabant dit 1/4 de tour) autour de l’axe quand il arrive à l’extrémité des raies. On se retrouve donc avec deux coutres, deux socs et deux versoirs, auxquels on a même ajouté deux rasettes placées en avant des coutres. Les rasettes qui comportent un petit soc et un petit versoir travaillent moins profondément en scalpant une partie de la couche supérieure du sol et en la rejetant au fond de la raie précédente avant passage du corps principal de charrue ; la surface du guéret est alors (en principe) exempte de débris végétaux sur toute sa largeur, ce qui facilite le hersage et le semis et minimise les levées d’adventices. L’avant-train automatique avec régulateur entraîne la suppression des mancherons, réduits le plus souvent à de simples poignées.
Aujourd’hui on décline les charrues de multiples façons : bâti lourd, léger, charrues portées ou semi-portées, simples ou réversibles, charrues-déchaumeuses etc… Les charrues modernes, mues par des tracteurs de plus en plus puissants peuvent comporter de nombreux socs œuvrant en parallèle. Avec l’évolution du matériel agricole, sur les charrues contemporaines, apparaissent des particularités et options :
- Charrue « varilarge » . De plus en plus présente sur les charrues actuelles, permet de varier la largeur de labour de chaque soc. Généralement, une charrue varilarge peut permettre d’aller de 12 à 20 pouces. Le réglage est fait hydrauliquement depuis la cabine ce qui permet d’ajuster la largeur du labour pendant l’utilisation. Les buts sont multiples : adapter la charrue à la puissance du tracteur, pouvoir finir une parcelle en bordure, récupérer des zig-zag, éviter un obstacle ou encore finir proprement des parcelles non rectangle.
- Amortissement ou système « optidrive ». Système d’amortissement entre la liaison tracteur et le corps de la charrue. Bloqué pendant le travail, ce système devient actif pendant les manœuvres en amortissant les à-coups.
- Sécurité non-stop hydraulique réglable depuis le tracteur. Ce système permet d’adapter la pression de rupture (50 à 150 bars) à la pointe du soc (de 600 kg à 2 500 kg). En sol léger, on utilisera une force de déclenchement faible afin d’éviter de remonter des pierres en surface.
- Système de recentrage automatique en bout de parcelle.
D’autres charrues
Parallèlement se sont développés d’autres types de charrues, adaptées à des travaux spécifiques :
- Les charrues vigneronnes : le travail du sol étant rendu difficile par la présence des ceps, et la nécessité de chausser ou de déchausser régulièrement ces derniers, on conduit à concevoir des charrues équipées d’un corps butteur central composé de deux ensembles symétriques, comportant chacun un soc et un versoir, afin de rejeter la terre de part et d’autre, avant de terminer le labour par une dérayure centrale.
- Les charrues décavaillonneuses. Le cavaillon est le nom donné à la bande de terre située entre les ceps. Pour le travailler, on a mis au point des charrues équipées de socs qui peuvent s’effacer en rencontrant un cep, puis reprendre leur place après.
- Les charrues buteuses (dites aussi billonneuses, rigoleuses, fossoyeuses) sont conçues sur le même principe que les charrues vigneronnes, possédant un corps butteur. Elles sont utilisées pour les cultures nécessitant la confection d’un billon (asperges, pommes de terre …).
- Les charrues défonceusesont pour objectif de réaliser un travail très profond (0,4 à 0,8 m) pour préparer l’implantation d’une culture pérenne. Ces charrues sont monosocs, équipées de versoirs cylindriques.
- Les charrues déchaumeuses sont équipées à l’inverses de versoirs multiples de petites taille, afin de réaliser un labour très peu profond (10-15 cm) pour une opération de déchaumage, pour laquelle on peut utiliser également de très nombreux outils ( cultivateur, pulvérisateur à disques.).
Notons qu’en 1921 existait une charrue à bascule et vapeur multisocs. Elle était tirée par un treuil actionné par une locomobile placée en bout de sillon avec un poulie de renvoi à l’autre bout. La charrue basculait automatiquement en repartant en sens inverse.
Sources :
- https://www.universalis.fr/encyclopedie/araire/
- https://mots-agronomie.inra.fr/
- https://www.persee.fr/doc/palla_0031-0387_1956
- https://www.persee.fr/doc/jatba_0021-7662_1972
- http://www.machinisme-agricole.wikibis.com/charrue.php