LE GLANAGE

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Le glanage

 

 

 

 

 

La cueillette était déjà pratiquée par les hommes préhistoriques, avant qu’ils ne commencent à cultiver la terre. Le glanage est à distinguer de la cueillette : La cueillette date des premières aubes de l’humanité; comme la pêche et la chasse. La cueillette consiste simplement à ramasser les plantes et fruits sauvages de la nature, pour s’alimenter et/ou pour se soigner.

Au début de la culture des plantes, lorsque les hommes préhistoriques commencèrent à cultiver la terre, ils exercèrent en plus, un usage naturel de glanage après moisson et après autres récoltes. Ces hommes, et surtout les femmes, glanaient les grains oubliées, les derniers fruits et légumes tombés après la récolte; et ceci afin de ne pas gaspiller de nourriture. Les premiers éleveurs de la préhistoire pratiquèrent plus tard la glandée (ramassage de glands sous les chênes, de châtaignes, ou de faines des hêtres), pour s’alimenter; et surtout pour nourrir leurs porcs domestiqués.

Aux origines, le verbe « glaner », provient de l’ancien français « glener », du bas-latin « glenāre », et du celte « do-glinn » « il cueille, ramasse ». Le glanage est donc un très vieil usage, d’avant le Moyen Âge, mais qui a été introduit par écrit dans le droit coutumier, dès cette époque. Le glanage était réservé pour la subsistance. Il devait être manuel, et il n’était permis qu’après que les gerbes de céréales n’aient été levées (récoltes faites et engrangées).

Le glanage est un droit d’usage sur la production agricole, existant notamment en France, sous différentes formes depuis le Moyen Âge. Il subsiste encore au XXIe siècle. Droit d’usage, cela veut dire que s’il n’est pas exercé, il tombe en désuétude car aucun texte juridique ne fonde expressément ce droit.

Après le ramassage des gerbes de céréales, les enfants, les vieillards, les handicapés, les sans-emploi peuvent prendre ce qui reste dans les champs, et ce pendant trois jours et après le lever du soleil.

Organisé en faveur des ruraux les plus pauvres, le glanage est parfois fait par des adultes bien-portants et souvent commence alors que les gerbes sont encore dans le champ ce qui donne lieu à des vols.

On distingue le glanage, qui concerne ce qui reste sur le sol du grappillage qui concerne ce qui reste sur les arbres, les ceps après la cueillette. On glane donc des pommes de terre, des céréales, on grappille les raisins, les pommes, les fruits en général. On distingue le glanage légal du glanage illicite, appelé le maraudage, qui est le délit de dérober des fruits, récoltes, légumes quand ils ne sont pas encore détachés du sol.

La mécanisation des campagnes, la spéculation foncière, le poids de la grande distribution dans les habitudes d’alimentation ont conduit a déserter ces démarches solidaires entre propriétaires exploitants et précaires qui « font société ». Notre société a beaucoup évolué et très peu de pauvres en sont réduits à aller chercher les restants des moissons : hélas, certains (et ils sont de plus en plus nombreux) sont obligés de trouver des combines pour se nourrir au moins une fois par jour. Et le mot employé est  » le glanage » comme au Moyen-Âge.

Dans le monde moderne, le glanage est pratiqué aussi par des groupes humanitaires qui distribuent la nourriture glanée, aux pauvres et affamés; cela peut inclure la collecte de nourriture des supermarchés à la fin de la journée qui serait autrement jeté. Il existe un certain nombre d’organisations qui pratiquent le glanage pour résoudre les problèmes de la faim sociétale. Nous assistons actuellement à fort recul de toutes ces pratiques qui font société.

La nourriture, la possibilité d’accéder à une alimentation saine et donc variée est reconnue comme un bien commun. Le droit à l’alimentation saine implique une réorientation de l’idée de charité vers le concept de droit. Garantir à chaque être humain une alimentation adéquate et régulière ne constitue pas seulement un impératif moral et un investissement pouvant se traduire par des gains économiques énormes : c’est l’accomplissement d’un droit humain fondamental ( article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ). Les droits d’usage étaient conçus dans l’Ancien Régime comme des tolérances permettant aux pauvres de subsister, aujourd’hui dans notre société de consommation, le grappillage et le glanage signent la reprise en main de leur vie par des citoyens dignes.

 

 

 

 

L’édit royal d’Henri II du 2 novembre 1554 sur le droit de glanage fut alors promulgué. Il reste toujours en vigueur à ce jour, sur l’ensemble du territoire français :

« …Voulons et nous plaît que, par chaque année, un peu devant que l’on fasse lesdites moissons, nosdits lieutenants criminels (…) fassent, chacun en son destroit, publier et faire commandement à toutes personnes oisives, soit homme, soit femme, qui puissent et soient valides pour scier, qu’elles aient à s’employer durant le temps d’août, et de mestiver, et cueillir et scier les blez et grains, à salaires raisonnables, en leur faisant défense de ne plus glaner ; ce qu’avons néanmoins permis et permettons aux gens vieux et débilitez de membres, aux petits enfants ou autres personnes qui n’ont pouvoir ni force de scier », après que le laboureur aura enlevé les gerbes… »

«… le droit de glaner est autorisé aux pauvres, aux malheureux, aux gens défavorisés, aux personnes âgées, aux estropiés, aux petits enfants. […] …le droit de glanage sur le terrain d’autrui ne peut s’exercer qu’après enlèvement de la récolte, et avec la main, sans l’aide d’aucun outils…» .

De plus cet édit est assorti de conditions: « Combien que par les degrez de charité, l’homme ne puisse moins faire pour son prochain que de luy estre liberal de ce qui ne lui profite point et qui pourrait un peu profiter à autrui. » Le texte fait également obligation aux personnes valides, hommes ou femmes, de s’engager comme moissonneurs et leur interdit de glaner : « Ce que permettons, dit le texte, aux gens vieux, debilitez de membres, aux petits enfants ou aux autres personnes qui n’ont pouvoir ni force de scier. Les désobéissans et contrevenans à cette ordonnance, est-il écrit dans la conclusion, seront punis comme larrons. » Le droit de glanage sur le terrain d’autrui ne peut s’exercer qu’après enlèvement de la récolte, et avec la main, sans l’aide d’aucun outils.

Cet édit, complété par les lois des codes civil et pénal, sert toujours de référence dans la jurisprudence française actuelle, en cas de conflit ou de litige…

Au cours du XVIIIe siècle, avec la réaction seigneuriale, les conditions d’exercice se durcissent :

  • le glanage est autorisé seulement après que les gerbes du seigneur, et/ou celles de la dîme, ont été enlevées ;
  • le glanage est interdit tant que des gerbes se trouvent encore à terre ;
  • le glanage des chaumes (utiles comme fourrage, litière, couverture des toits) est interdit avant septembre.

À certains endroits, le seigneur veut même interdire le glanage, ce qui provoque émeutes et résistances diverses.

Le droit de glanage, comme d’autres droits d’usage ancestraux, n’a jamais disparu.

« Ces droits d’usage dont il est difficile de connaître l’origine exacte, réapparaissent aujourd’hui portés par des personnes qui en ont une connaissance lointaine ou qui simplement les réinventent, spontanément. Ils n’ont jamais disparu ».

C’est un droit ayant traversé les siècles mais qui se voit quelquefois contrarié par des arrêtés municipaux, en s’appuyant sur leur pouvoir de police administrative leur permettant d’intervenir en matière de salubrité et de tranquillité publiques. La suspension de cet arrêté de la part de la justice administrative, s’est appuyée sur « le contexte de la période hivernale et du droit des personnes en grande nécessité à utiliser librement le domaine public en récupérant des déchets qui sont considérés comme des biens sans maîtres ».

L’article R26 10 de l’ancien code pénal disposait que seront punis d’amende, depuis 30 F jusqu’à 250 F inclusivement ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli ou mangé, sur le lieu même, des fruits appartenant à autrui. A contrario, on peut donc en déduire que le glanage est autorisé, lorsque la « récolte normale » a été enlevée et uniquement du lever au coucher du soleil, y compris lorsque cette action implique de pénétrer sur une propriété privée.

Cette loi est modifiée par le nouveau code pénal.

Le glanage étant autorisé selon certaines conditions, le nouveau code pénal vise cette activité sous l’incrimination générale de destruction, dégradation et détérioration dont il n’est résulté qu’un dommage léger (article R. 635-1). Dans un arrêt du 17 septembre 1997 (Bull. Crim., no 301 ; JCP G 1997, IV, 2297), la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que l’article R. 635-1 du code pénal englobe plusieurs anciens textes de vols contraventionnels, notamment l’ancien article R 26 relatif au glanage « Ainsi grâce à cette jurisprudence le glanage et la grappillage existent toujours…et ne sont pas assimilés à du vol même si le droit de propriété s’efface….devant l’urgence d’accéder à une alimentation saine, variée et de proximité...» Cette action suppose plusieurs conditions: Tout d’abord, elle doit se dérouler après le lever du soleil et avant son coucher, donc durant la journée; il faut que la récolte soit terminée et enlevée car l’agriculture ne doit pas en pâtir. Cette pratique est interdite dans les terrains entourés d’une clôture. Le droit de glanage sur le terrain d’autrui ne peut s’exercer qu’avec la main, sans l’aide d’aucun outils en application de l’édit du 2 novembre 1554, toujours en vigueur à cette date. L’autorisation du propriétaire et/ou l’exploitant est néanmoins obligatoire.

Le problème, c’est qu’en 1994 l’entrée en vigueur d’un nouveau Code pénal a abrogé cet article. Et par ailleurs depuis 1804, le Code civil consacre bien à son article 520 un droit de propriété privée sur les récoltes, que celles-ci soient sur pied ou tombées à terre, ce qui devrait interdire leur prélèvement par tout autre que leur propriétaire légitime : « les récoltes sur pied sont des biens immobiliers, et les fruits et restes tombés sont des biens meubles. »

La situation juridique du glanage semble donc quelque peu confuse, mais un arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 17 septembre 1997, aurait établi que l’abrogation de l’article R26 du Code pénal n’a pas fait disparaître le droit de glanage que celui-ci consacrait « en creux » .

Néanmoins, même s’il existe, le droit de glanage peut être sévèrement limité, que ce soit par les propriétaires privés ou par la puissance publique. Il suffit en effet aux premiers d’enclore leur terrain (avec des murs ou des barrières) pour interdire valablement l’entrée aux glaneurs et les communes peuvent elles aussi interdire de manière générale la pratique du glanage sur leur territoire, en adoptant un arrêté municipal en ce sens (loi du 9 juillet 1888).

On le voit donc, en tant que droit réellement opposable à celui d’un propriétaire, le glanage n’existe que de manière résiduelle en France et sur une base relativement fragile. Mais il semble bien qu’il ait tout de même survécu.

S’il n’est pas interdit sur une commune française où le glanage se réalise, le glanage diurne est autorisé sur une parcelle cultivée non fermée (pour éviter la violation de propriété) déjà récoltée (récolte enlevée), et réalisé à la main (donc mesuré en quantité) de paille, foin, fruits, baies, fleurs, herbes, grains et graines tombés au sol, reste donc légal. De même, si la réglementation locale ne l’interdit pas, les biens jetés par leur propriétaires en poubelles et comme déchets sur voie publique, pourront être glaner légalement (à la condition qu’il ne soit pas revendu ultérieurement). L’utilisation personnelle, le don gratuit, le troc sans argent, l’échange non rémunéré de ces objets glanés est toléré ou légal.

Depuis la fin du XIXe siècle, les réglementations législatives et réglementaires françaises peuvent aussi être renforcées dans chaque commune. Les autorités municipales peuvent tout simplement interdire purement et simplement, et sous peine d’amende, tout glanage, par arrêté municipal (article 19 de la loi du 9 juillet 1888).

De plus, le glanage légal est à distinguer du :

  • Maraudage : Il est le délit de dérober des fruits et légumes cultivés, quand ils ne sont pas encore détachés du sol. La « maraude » est illégale.
  • Grappillage : Il est un autre délit: c’est vouloir récupérer après la récolte, ce qui reste dans les vergers sur les arbres fruitiers, ou dans les vignobles sur les ceps de vigne. Il reste encore des biens immobiliers, car une seconde récolte pourrait être réalisée par le propriétaire. La « grappille » est donc aussi considérée comme illégale.
  • Râtelage : C’est le fait de glaner en se servant d’un râteau (râteler), ou d’autres instruments n’est plus considéré comme du glanage. Cela devient une récolte, qui si elle est faite sans autorisation sur le terrain d’autrui, devient illégale. Le « râtelage » est donc illicite.

Bien que le littoral soit protégé par de nombreuses zones de réglementation pour la nature (réserves naturelles, Natura 2000, arrêtés de Biotope), sur nos côtes, il est aussi possible d’exercer une sorte de droit de glanage, pour les :

  • Laisses de mer : bien s’informer car ces laisses sont à elles-seules des biotopes. Et elles sont de plus en plus polluées et souillées par des déchets.
  • Algues : il faut se renseigner auprès des locaux : des pollutions ou des maladies ponctuelles peuvent rendre les algues impropres à la consommation.
  • Bois flotté : là encore, il convient de veiller à la réglementation locale.
  • Coquillages : Comme pour les algues, il faut aussi s’informer auprès des locaux, car les pollutions ou maladies ponctuelles sur les coquillages. Ce type de « glanage » est assimilé à de la pêche à pied. Celle-ci est très réglementée sur le plan national et local. Mal pratiquée, la pêche à pied est très destructrice pour le fragile milieu littoral. Par exemple, une pierre ou un caillou retourné doit impérativement être remis en place aussitôt pour continuer d’abriter la faune aquatique.

 

 

Glanage solidaire novembre 2017

 

 

Lorsque l’on pense au glanage, ce sont généralement des images de scènes rurales. C’est 10 millions de tonnes de nourriture qui sont gaspillées du champ à l’assiette chaque année en France. Près d’un tiers de ce gaspillage intervient dès l’étape de la production agricole et près de 20kg sont gaspillés par habitant et par an. Si la pratique du glanage semble toujours vivante aujourd’hui, voire même en expansion, c’est en raison de plusieurs facteurs : d’une part, une crise économique tragique et un affaiblissement des protections sociales qui font que les individus les plus fragilisés se tournent à nouveau vers des pratiques ancestrales de subsistance. Si cet usage demeure donc entouré d’un certain flou juridique dans les cultures, la donne est plus simple en ville. La loi permet en effet de fouiller librement les poubelles se trouvant sur la voie publique et de s’emparer des déchets qui y sont contenus et n’appartiennent, en tant que tels, à personne. Par nécessité ou par militantisme contre le gaspillage, ces glaneurs urbains sont d’ailleurs aujourd’hui légion. Au-delà des personnes en grande nécessité, ce droit de ramassage des déchets est aussi de plus en plus revendiqué par certains qui souhaitent l’utiliser pour développer des formes de consommation alternatives.

Avec les pratiques de récupération des déchets, qui constituent également une forme de glanage, un fondement juridique peut être invoqué, celui de « Res Derelictae » (statut des choses clairement abandonnées dont le premier à se saisir devient le propriétaire légitime). C’est ce régime qui s’applique au contenu de nos poubelles et qui rend possible la fouille dans les bennes sur la voie publique ou le ramassage des objets abandonnés. Là encore, il existe des conditions et limitations, comme celle de ne pas disperser des déchets sur la voie publique à l’occasion de la récupération ou de ne pas pénétrer dans une propriété privée sur laquelle seraient situés les containers. Là encore, on est donc avec le ramassage des déchets en présence d’un droit opposable, ouvert dans un des interstices du droit de propriété.

Le glanage urbain est « devenu plus toléré, même pour ceux qui le pratiquent. Et cela est le fruit des mouvements anti-gaspillage alimentaire qui ont porté ces débats sur la place publique », explique Hadrien Riffault, coauteur de l’étude « Glaneurs dans les villes » (2010)

 

 

Sources

  • Le blog de gilles.sainati
  • https://scinfolex.com
  • http://glanage-solidaire.fr/contextualisation-origines-et-reglementations/

 

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