L’ENNOYAGE

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L’ennoyage

 

 

 

 

L’ennoyage (on parle aussi d’énoisage ou mondée) est une pratique qui a toujours été au cœur de la tradition populaire, bien qu’elle disparaisse peu à peu. Au cours des longues soirées d’hiver, en famille, souvent avec l’aide des voisins, on cassait et on triait les noix près du « cantou », tout en s’accompagnant de chansons, de contes, et de légendes. C’était une source de revenus non-négligeable pour la famille. Cette activité instaurant une économie à caractère familial est encore pratiquée dans la région par quelques rares agriculteurs qui prolongent leur activité et arrondissent ainsi leur retraite.

Une fois que les noix ont été ramassées, elles étaient répandues sur une claie ou sur le plancher des greniers pour qu’elles puissent sécher. Elles été mises à sécher, à l’abri de la pluie, mais à l’air. Il fallait qu’elles soient à l’air. Elles y restaient parfois deux mois. Une fois par semaine environ, on les retournait pour que la coquille soit uniformément sèche.

Lorsque nous avions ramassé assez de noix, nous avions un genre de « claie », que nous appelions,

Ensuite, elles étaient mises en sacs et dirigées vers le lieu d’ennoyage. Une fois récoltées et séchées, lorsque les noix ne sont pas vendues en coque, elles sont ennoyées pour être vendues en cerneaux.

Traditionnellement, l’ennoyage avait lieu durant l’hiver, au cours de longues veillées, dont le souvenir est encore bien vivace dans nos campagnes. La famille, les amis et les voisins, se réunissaient autour de l’âtre où brûlait un feu de bois fort apprécié. De ces foyers rougeoyants et sans flamme, une odeur âcre se répand qui influe sur les yeux, la gorge, les papilles , pénètre les vêtements. Dehors, le froid et le gel paralysait la campagne. Le silence extérieur contrastait avec l’intensité des voix mêlées au harcèlement des petits maillets de bois.

 

 

Un séchoir à noix

 

 

La technique de l’ennoyage est théoriquement simple mais complexe à maîtriser, car il ne faut pas écraser la noix lorsqu’on la casse.

L’ennoyage se déroule en trois étapes : le cassage des noix, le décorticage et le triage des cerneaux.

On casse tout d’abord les noix sur  la pierre ou un morceau de bois dur, buis ou noyer, d’un coup sec et bien dosé, puissant et léger à la fois, pour casser net la coquille, en son centre, sans pour autant écraser le cerneau. Pour ce faire, on utilise un maillet de bois dur, traditionnellement du buis, qu’il fallait pourtant limer de temps à autre pour le remettre plan. Il fallait prendre une poignée de noix, on les plaçaient comme il fallait, et on frappait sans trop les écraser, pour ne pas abîmer les cerneaux.

L‘ennoyage est une chose sérieuse… On n’a pas le droit à l’erreur et il faut une dextérité, une rapidité, qui ne s’obstinent que par un long apprentissage, pour dégager les cerneaux et les séparer sans qu’ils se cassent, avec un couteau à ennoyer dont la lame n’était pas affûtée pour ne couper ni les cerneaux ni les doigts. On les utilisera ensuite en pâtisserie et dans des préparations culinaires. Nulle innovation technologique n’est venue supplanter cette habileté manuelle ancestrale. On peut bien mécaniser le ramassage des noix, on ne saurait mécaniser leur décorticage.

C’était presque l’unique occupation pour les femmes et les hommes les rejoignaient l’hiver quand ils n’avaient plus de travail dans les terres. Quant aux enfants, ils s’y mettaient activement dès l’âge de 9 ou 10 ans. Les plus petits également désiraient participer et voulaient travailler comme les grands. On les installait sur une petite chaise et devant eux on disposait un petit tas de noix déjà cassées.

Sur les planchettes, au fur et à mesure que le travail progressait, s’empilaient les noix cassées. On les repoussait d’un revers de main vers le centre de la table. Ce sont les femmes qui, en général, extrayaient les cerneaux des coquilles, tandis que d’autres les mettaient dans des sacs qui iraient au moulin.

Et pour finir, on trie les cerneaux : les beaux pour la pâtisserie, les autres et les brisé pour faire de l’huile.

 

 

 

 

Lors de l’ennoyage, rien n’est jeté : les cerneaux entiers servent à la pâtisserie, les brisures à faire de l’huile de noix, les pourris pour la peinture et les coquilles étaient utilisées jadis pour se chauffer, jetées au feu, elles se consument lentement et les cendres blanchissaient la lessive. Pulvérisées, les coquilles servaient de fleurage aux boulangers, maintenant comprimées, elles forment une pâte qui sert de lubrifiant pour le matériel de forage pétrolier.

Il faut environ 3kg de noix en coque pour obtenir 1kg de cerneaux.

L’ambiance était propice à parler de la famille, des voisins, des amis, à raconter des histoires, des galéjades, mais aussi des légendes et des contes qui nourrissaient l’imaginaire. La grand-mère remplissait à ras-bord les verres. C’était la soirée de la bonne humeur, du travail bien fait.  Cependant, on avait fini d’ennoyer, et on mettait les cerneaux dans les sacs, et les coquilles dans des paillassons pour les monter au grenier ; ça sert à allumer le feu l’hiver. Quand tout fut ôté, on appareilla la grande table pour souper. Il était onze heures et demie, il était temps. Comme d’habitude, lorsqu’on ennoie, il va sans dire que la soirée se terminait par un bon casse-croûte, après l’effort, le réconfort: un repas terroir : cochonnailles et autres, de la saucisse sèche, un peu de fromage et pâtisseries, le tout bien arrosé ! Et si l’on a la chance d’avoir un musicien….

 

 

Moulin à huile de noix

 

 

Anecdote

 

D’après une tradition du Périgord, lors de ces veillées, de petites noix – appelées « cacalous » – étaient cachées dans les tas de noix. Lorsque les messieurs trouvaient un cacalou, ils pouvaient, dit-on, embrasser la demoiselle de leur choix puis la faire danser toute la nuit sur l’air de la chanson « Cassa Cacaus », la chanson du casse-noix. La tradition rapporte également que, lorsqu’un jeune garçon ou jeune homme trouvait un cacalou, il le faisait passer discrètement à la jeune fille qu’il rêvait de séduire. Si la jeune fille ouvrait ou cassait le cacalou, c’était une fin de non-recevoir ; par contre, si elle gardait le précieux présent, alors l’espoir était permis…

 

 

 

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