LES CARTES DE VŒUX DU NOUVEL AN

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Cartes de vœux du Nouvel An

 

 

Si l’usage des étrennes nous vient des Romains (les premiers qui aient sacrifié à la déesse Strena), celui des cartes de vœux agrémentées de quelques mots de politesse ou vierges de toute mention, et envoyées aux personnes avec qui l’on a eu commerce d’amitié ou d’affaires pendant l’année, vient de l’Extrême-Orient et prend ses marques en France au début du XVIIIe siècle

Les Célestiaux se servaient bien avant nous de ces cartes autrefois dénommées cartes de visite ; seulement, chez eux, les cartes étaient de grandes feuilles de papier de riz, dont la dimension augmentait ou baissait suivant l’importance du destinataire et au milieu desquelles, avec des encres de plusieurs nuances, on écrivait les nom, prénoms et qualités de l’envoyeur. Il paraît que, quand la carte était à l’adresse d’un mandarin de 1ère classe, elle avait la dimension d’un de nos devants de cheminée !

La distribution des cartes de vœux à Stuttgart, dans le Wurtemberg, était autrefois le prétexte d’une scène piquante : pendant l’après-midi du premier de l’An, sur une place publique, se tient une sorte de foire ou de bourse aux cartes de visite. Tous les domestiques de bonne maison et tous les commissionnaires de la ville s’y donnent rendez-vous, et là, grimpé sur un banc ou sur une table, un héraut improvisé fait la criée des adresses.

A chaque nom proclamé, une nuée de cartes tombe dans un panier disposé à cet effet, et le représentant de la personne à laquelle ces cartes sont destinées peut en quelques minutes emporter son plein contingent. Chacun agit de même, et, au bout de peu d’instants, des centaines, des milliers de cartes sont parvenues à leur destination, sans que personne se soit fatigué les jambes.

Il y a fort longtemps, les asiatiques envoyaient en début d’année des « cartes de visite » aux personnes côtoyées pendant l’année écoulée. Il s’agissait de grandes feuilles de papier de riz écrites avec différentes nuances de couleurs pour mentionner le nom, le prénom et la qualité de l’expéditeur. La dimension de la feuille variait selon l’importance du destinataire, et pour un Mandarin, la carte de vœux pouvait être aussi grande qu’un devant de cheminée !

L’usage des cartes de visite du Nouvel An est apparu assez tard chez nous. Jusqu’au XVIIe siècle, les visites se rendaient toujours en personne. On peut noter cependant, comme un acheminement vers les cartes, l’usage dont nous parle Lemierre dans son poème des Fastes et qui était courant vers le milieu du grand siècle. A cette époque, des industriels avaient monté diverses agences, qui, contre la modique somme de deux sols, mettaient à votre disposition un gentilhomme en sévère tenue noire, lequel, l’épée au côté, se chargeait d’aller présenter vos compliments à domicile ou d’inscrire votre nom à la porte du destinataire.

Mais un temps vint où le gentilhomme lui-même fut remplacé par la carte de visite. Cela se passa sous Louis XIV, dans les dernières années de son règne, comme l’atteste ce sonnet-logogriphe du bon La Monnoye :

Souvent, quoique léger, je lasse qui me porte ;

Un mot de ma façon vaut un ample discours ;

J’ai sous Louis-le-Grand commencé d’avoir cours, Mince, long, plat, étroit, d’une étoffe peu forte.

Les doigts les moins savants me traitent de la sorte ;

Sous mille noms divers, je parais tous les jours ; Aux valets étonnés je suis d’un grand secours ; Le Louvre ne voit pas ma figure à sa porte.

Une grossière main vient la plupart du temps

Me prendre de la main des plus honnêtes gens.

Civil, officieux, je suis né pour la ville.

Dans le plus dur hiver, j’ai le dos toujours nu,

Et, quoique fort commode, à peine m’a-t-on vu Qu’aussitôt négligé je deviens inutile.

Est-ce l’abus qu’on faisait des cartes de visite qui décida les conventionnels à supprimer le premier de l’An ? Ou fut-ce la vanité des vœux qu’on y déposait ? Toujours est-il qu’abolie en décembre 1791, la coutume du Jour de l’An ne fut rétablie que six ans après, en 1797. Nos pères conscrits, qui ne barguignaient pas avec les délinquants, avaient décrété la peine de mort contre quiconque ferait des visites, même de simples souhaits de jour de l’An. Le cabinet noir fonctionnait, ce jour-là, pour toutes les correspondances sans distinction. On ouvrait les lettres à la poste pour voir si elles ne contenaient pas des compliments.

Et pourquoi cette levée de boucliers contre la plus innocente des coutumes ? Le Moniteur va nous le dire. Il y avait séance à la Convention. Un député, nommé La Bletterie, escalada tout à coup la tribune. « Citoyens, s’écria-t-il, assez d’hypocrisie ! Tout le monde sait que le Jour de l’An est un jour de fausses démonstrations, de frivoles cliquetis de joues, de fatigantes et avilissantes courbettes… »

Il continua longtemps sur ce ton. Le lendemain, renchérissant sur ces déclarations ampoulées, le sapeur Audoin, rédacteur du Journal Universel, répondit cette phrase mémorable : « Le Jour de l’An est supprimé : c’est fort bien. Qu’aucun citoyen, ce jour-là, ne s’avise de baiser la main d’une femme, parce qu’en se courbant, il perdrait l’attitude mâle et fière que doit avoir tout bon patriote ! » Le sapeur Audoin prêchait d’exemple. Cet homme, disent ses contemporains, était une vraie barre de fer. Il voulait que tous les bons patriotes fussent comme lui ; il ne les imaginait que verticaux et rectilignes.

Mais enfin le sapeur Audoin et son compère La Bletterie n’obtinrent sur la tradition qu’une victoire éphémère. Ni le calendrier républicain ni les fêtes instituées par la Convention pour symboliser l’ère nouvelle ne réussirent à prévaloir contre des habitudes plusieurs fois séculaires. Les institutions révolutionnaires tombèrent avec les temps héroïques qui les avaient enfantées. Le premier de l’An fut rétabli. Il dure encore.

A Stuttgart, autrefois, le premier jour de l’année avait lieu une « foire » aux cartes de visite sur la place publique, à laquelle participaient les domestiques des grandes maisons et les commissionnaires. Installé en hauteur, un annonceur criait les adresses et toutes les cartes de visite correspondantes étaient déposées dans un panier prévu pour l’occasion. Le représentant du destinataire n’avait, alors, plus qu’à emporter le contenu du panier.

La tradition d’envoyer des cartes pour les grandes occasions, telles que Noël, Nouvel an, anniversaire …) est assez récente , c’est-à-dire un siècle et demi. Auparavant on se rendait visite directement.

Ancêtres de la carte de souhaits, les feuillets de bons vœux apparurent dès le début du XVe Siècle . Leur succédèrent, au XVIIe Siècle, ces imprimés que les marchands envoyaient à leur clientèle pour le Nouvel An. Elles étaient fabriquées à la main avec des fleurs séchées, des collages de rubans … Faisant partie de nos traditions du temps des fêtes , les cartes de vœux que l’on échange à l’occasion de Noël ou du Nouvel An tirent leur origine, une fois de plus, de l’Angleterre. L’évolution de cette coutume se fit d’ailleurs rapidement en Europe, notamment en Allemagne, grâce à un tout nouveau procédé d’imprimerie. Cette technique, appelée lithographie, permettait de reproduire en très grande quantité un dessin ou un texte.

En 1840, alors que le premier timbre postal est lancé en Angleterre, les premières enveloppes ornées de motifs de Noël furent également éditées. Depuis plus d’un siècle, la coutume des vœux devint postale grâce à un Anglais, Sir Henry Cole, qui inventa en 1843 la carte de Noël. Il se fit confectionner pour lui-même des cartes pour envoyer à ses amis. Dessinée par John Calcott Horsley, elle fut imprimée en lithographie et datée Xmas 1843. Considérée comme la première carte de Noël du monde, elle est aussi devenue en 2011 la plus chère du monde… Ensuite, l’envoi de cartes de Noël se popularisa grâce à la lithographie qui permettait de reproduire des cartes ornées de gui, de houx, de scènes de nativité ou de paysages enneigés.

De là naquirent les cartes de vœux, et vers 1895, avec les progrès croissants de l’imprimerie, ce qui était un jeu devint une coutume quasi obligatoire… faisant crouler les sacs postaux sous le poids colossal des milliers de cartes de vœux du monde entier en décembre et en janvier… »

Il existait en France une coutume ancestrale aujourd’hui oubliée et dont ne subsiste que la tradition des étrennes : les visites du nouvel an. De façon tout à fait rituelle et formalisée, on rendait visite, dans les quinze jours qui suivaient le 1er janvier, à son entourage proche, famille et amis, mais aussi à ses collègues de travail, à son patron, et même à des familles pauvres ou des malades dont on avait à cœur d’embellir ces jours festifs par des dons et des marques d’amitié.

Cependant ces visites obligatoires étant perçues comme très contraignantes par beaucoup de gens, l’usage apparut de les remplacer par un passage éclair au domicile de la personne et la remise au concierge d’une carte de visite agrémentée de vœux. Parallèlement à cet usage attesté par des manuels de savoir-vivre du début du XXeme siècle, perdurait également la coutume ancestrale de l’envoi de lettres au moment de la nouvelle année. On profitait en effet du prétexte des voeux à souhaiter pour renouer des amitiés distendues, ou se rappeler au bon souvenir de connaissances éloignées géographiquement. Cet usage devenant trop contraignant, on commença à le remplacer par des passages « éclairs », avec remise au concierge d’une carte de visite portant les vœux. Parallèlement, une coutume du XVe siècle avait cours : l’envoi de lettres à l’occasion de la nouvelle année, qui permettait de reprendre contact lors de la nouvelle année. La carte de vœux telle que nous la connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire illustrée et comportant une mention de souhaits, devint peu à peu la meilleure alliée de ces deux pratiques.

Dans les années 1930, avec l’arrivée des cartes de vœux du commerce, la coutume se perdit d’utiliser des cartes de visite ou du papier à lettre. Aujourd’hui, avec l’engouement pour les loisirs créatifs, certains tiennent à créer eux-mêmes des cartes de vœux personnalisées. Un grand choix de papiers créatifs tels que le papier calque de couleur ou les papiers métallisés, ainsi que la tendance du scrapbooking, permet de laisser libre cours à sa fantaisie, sa créativité, tout en offrant une attention particulière au destinataire.

Aujourd’hui l’hégémonie des cartes de vœux « physiques » est évidemment remise en question par les outils digitaux (e-cards, mails, sms, posts facebook) et en conséquence, semble grandement perdre de son aspect exceptionnel et émotionnel… Car entre recevoir une jolie carte dans sa boite aux lettres, avec un beau message d’amitié écrit spécifiquement pour vous de la main de l’expéditeur et recevoir un banal mail (la plupart du temps « générique » et adressé à tout un carnet d’adresse sans distinction) comme vous en recevez des dizaines chaque jour, il y a un monde de différence en termes d’intention, d’émotion et de perception.

 

 

Pour la petite histoire, cette lithographie est d’ailleurs devenue en 2011 la carte la plus chère du monde

 

 

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