LES GAZOGENES

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Les gazogènes

 

 

 

 

Dans l’esprit des gens, le mot gazogène évoque invariablement la guerre 39-45 et les pénuries de carburants, mais en réalité c’est bien avant la Première Guerre mondiale, que des moteurs alimentés au gaz pauvre faisaient déjà tourner les usines. Ce système fut utilisé pour la locomotion automobile, de façon courante pendant la Seconde Guerre mondiale pendant la période de l’Occupation. Si les premiers gazogènes sont apparus dès les années 1800, dans certaines industries comme les fonderies, il faut attendre près d’un siècle pour voir leur utilisation appliquée aux transports.

Le gazogène est un procédé permettant de faire tourner n’importe quel moteur avec du bois ou un combustible solide contenant du carbone.

Il est basé sur une précombustion incomplète du combustible aboutissant à un gaz riche en monoxyde de carbone pouvant être brûlé dans un moteur à explosion.

L’avantage principal est de pouvoir utiliser un combustible, solide, plus facilement disponible que les carburants classiques d’où son utilisation en période de pénurie en hydrocarbures liquides et, de plus, pouvant être renouvelable (bois).

Mais ce dispositif n’a pas que des avantages. Il occupe une place considérable à bord des véhicules. Régulièrement, il faut le démonter pour en retirer les cendres. Et puis il ingurgite des quantités très importantes de combustible pour un si faible rendement inférieur à 15%. La consommation d’un camion alimenté par un gazogène consommait d’environ 100kg de bois au 100km.

 

 

Une automobile équipée d’un gazogène. Paris, printemps 1945

 

 

Principaux types de gazogènes à charbon

 

Il existe trois familles de gazogènes suivant le sens de la combustion, le choix dépend du combustible utilisé.

 

Gazogène à tirage par le haut

 

Le courant d’air et de gaz circulent dans le sens inverse du combustible. Intéressant au niveau thermique mais nécessite des combustibles contenant peu de matière volatile pour éviter les goudrons à la sortie. Convient aux charbons de bois très purs pour éviter l’encombrement de la grille par les scories.

 

Gazogène à tirage par le bas

 

Le gaz et l’air circulent dans le même sens que le combustible, les gaz traversent la zone incandescente, les éventuels goudrons sont donc craqués. Ce dispositif limite aussi les poussières à la sortie.

 

Gazogène à tuyère, ou gazogène à tirage transversal

 

L’air est admis horizontalement par une tuyère au cœur de la zone de combustion, ce qui nécessite une tuyère en bronze massif, ou un refroidissement très puissant, pour éviter la fusion. On peut y brûler du charbon de bois, du coke, ou de l’anthracite, ou un mélange, ce qui permet de filtrer les impuretés des combustibles fossiles par le charbon de bois. Le principal intérêt de cette disposition est la simplicité de construction, une fois résolu le problème de la tuyère.

 

Gazogène à bois

 

Le gazogène à bois doit réunir dans un seul et même appareil une zone de carbonisation et une zone de gazéification. Le type le plus courant est le gazogène à diabolo. Le diabolo est un rétrécissement par lequel tous les gaz sont obligés de passer en traversant la zone incandescente, craquant ainsi la majeure partie des goudrons et acides. Il est en effet important de supprimer le plus efficacement ces produits qui abîment le moteur. Le diabolo, par sa disposition, doit résister à de très fortes températures

 

 

 

 

Historique

 

1) Les premiers gazogènes sont dits « stationnaires »

 

Les gazogènes servaient au départ à alimenter les forges puis ils furent utilisés pour l’éclairage des villes et le chauffage. Ces gaz qui servaient à l’éclairage et au chauffage furent communément appelés : « gaz de ville ». Les gazogènes étaient alimentés en combustible par des charbons minéraux (houille, lignite, anthracite) et par du coke (houille appauvrie). Les hauts fourneaux, ainsi que les premiers moteurs à explosion, fonctionnèrent grâce aux gazogènes (gaz de ville). En raison de la faible quantité d’extraction de pétrole et de distillation d’essence, le carburant des moteurs industriels fut pendant de nombreuses années : le gaz de ville.

Les premiers gazogènes ont vu le jour à la fin du XVIIIe siècle grâce à l’ingénieur français Philippe Lebon : en 1786, il réussit à transformer un carburant solide en carburant gazeux et en 1801, il dépose un brevet pour un moteur fondé sur l’expansion d’un mélange d’air et de gaz enflammé.

En 1810, l’espagnol De Rivaz dessine un véhicule avec moteur à gaz.

L’ingénieur français Jacques-Joseph Ebelmen eut la riche idée d’inventer le tirage inversé (aspiration par le bas) : ce qui permit d’avoir une alimentation permanente en combustible par le haut.

En 1839, BIischof construit un générateur de gaz. A la même période des applications industrielles sont réalisées en France comme en Angleterre. Dans un premier four, le coke est brûlé incomplètement, dans un second, par réduction, on obtient du gaz combustible.

 

2) Les gazogènes dits « transportables »

 

Les ingénieurs cherchèrent un moyen pour équiper les véhicules de gazogènes : c’est le début des gazogènes « transportables » (en opposition aux gazogènes « stationnaires »).

En 1860, l’ingénieur belge Jean-Joseph Étienne Lenoir fit fonctionner un moteur à 2 temps par le gaz de ville (gazogène).

De même en 1876, grâce au gaz de ville, l’ingénieur allemand Nikolaus Otto fit marcher le premier moteur au cycle 4 temps qui fut inventé en 1862 par l’ingénieur français Alphonse Beau de Rochas.

Vers 1900, Riché parvient, par la gazéification de combustibles minéraux, à produire un gaz pauvre pouvant véritablement alimenter un moteur à explosion.

Nota : Delamarre-Deboutttevilledépose un brevet le 12 février 1884. Le véhicule de Delamarre-Debouttteville circule pour la première fois dans la région de Rouen sur la Route de Fontaine-le-Bourg à Cailly ; une plaque souvenir de cette première est apposée sur les bâtiments de l’ancien circuit automobile de ROUEN LES ESSARTS alors BENZ ne déposa le sien que le 12 janvier 1886. C’est la propagande nazie qui tenta de faire croire que la première voiture était celle de Karl BENZ tout comme elle essaya, avec un certain succès d’ailleurs, de faire croire que le cycle à 4 temps avait été imaginé par Nikolaus OTTO en 1876, alors que BAU DE ROCHAS en avait déposé le brevet 14 ans plutôt, en 1862. Un procès intenté par BAU DE ROCHAS contre OTTO, tant auprès des tribunaux français qu’allemands donna tort à ce dernier.

En 1901, Benz construit la voiture « Idéale » avec un moteur à gaz.

En 1901, Parker préconise un gazogène poly-combustible capable de brûler aussi bien du coke que du charbon de bois.

En 1904, Gaillot et Brunet expérimentent une péniche dont le moteur est alimenté par un gazogène et Cesbron en équipe une voiture « Alcyon ».

En 1905, John Smith parcourt les routes d’Écosse à bord du premier camion équipé d’un gazogène à charbon de bois.

En 1907, Garuffo ainsi que Clérici déposent chacun un projet de gazogène à deux générateurs se plaçant symétriquement de part et d’autre du véhicule.

En 1909, Deutz réussit à construire un gazéificateur combiné à un moteur développant 550 CV.

Au début du XXe siècle, la production d’automobiles était supérieure à celle de l’essence.

En 1910, Victor Cazès parcourut dans les rues de Paris 10 kms au volant de son omnibus fonctionnant avec un gazogène au charbon de bois.

Les essais avec les gazogènes à bois furent peu concluants et furent abandonnés car le goudron se solidifiait après refroidissement du moteur et bloquait ainsi ce dernier. De plus, la guerre de 1914-1918 stoppa net toutes les expérimentations sur les gazogènes.

Au cours de la Grande Guerre, l’armée française, qui se mécanisait de plus en plus, allait se retrouver en situation de difficulté à cause de la pénurie de carburant. Clémenceau dut faire appel aux États-Unis pour importer du pétrole.

Après la Guerre 14-18, l’armée française, qui désirait assurer l’indépendance énergétique, sollicita Monsieur Georges Imbert afin qu’il inventât un gazogène fonctionnant au bois (carburant qui se trouvait dans tout le pays).

En 1920, Georges Imbert commence à élaborer le gazogène à bois.

La France a pris du retard dans la recherche fondamentale, c’est pourquoi en 1922 est organisé un concours de gazogènes. Quelques années plus tard, notre pays sera à la pointe des techniques dans la construction des gazogènes, et cela grâce en grande partie à l’inventeur de Sarre-Union, Georges Imbert. Le Gazogène, inventé par Georges Imbert, est un appareil permettant de produire un gaz combustible à partir de matières solides et combustibles tels que bois, charbon de bois, coke ou anthracite, permettant d’alimenter des moteurs dit à gaz pauvres, ou bien des chaudières. Dans l’installation Imbert, la dépression du moteur, aspire la quantité de gaz nécessaire et donne lieu à l’aspiration d’air indispensable au fonctionnement du gazogène. L’air se répartit par les buses autour du foyer où est disposé le charbon de bois et par dessus, il y a le bois. Le charbon de bois allumé se gazéifie et donne en se combinant avec l’air, du CO (combustible) et du CO2 (non combustible). Ce dernier est ensuite réduit lors de son passage sur le charbon incandescent et transformé en CO. Tous les autres composants (goudron, vapeurs, …) sont transformés en combustible. Le « gaz de bois » ainsi obtenu est débarrassé de sa vapeur d’eau, des ses poussières, refroidit et purifié pour sortir en parfait état d’utilisation.En 1950, Georges Imbert mourut désintéressé de tout, ceci comme beaucoup d’inventeur dans le domaine de l’énergie.

 

 

 

 

En effet, dans les années 1920 – 1930, de nombreux concours militaires et civils virent le jour pour promouvoir et mettre au point les différents gazogènes.

Les premiers résultats semblent leur donner raison. Forts des découvertes récentes dans ce domaine, en particulier celles de l’ingénieur chimiste Georges Imbert, ils s’engagent dans la construction d’un premier « camion au gaz pauvre ». Ce dernier accomplit, avec « du bois scié en petites bûches et des déchets de bois », le trajet de Paris à Vierzon en poussant des pointes à… 21 km/h !

Surtout, les inventeurs s’associent en 1922 à l’Automobile-Club de France pour organiser le premier concours des véhicules à gazogène, limité aux camions tant il paraît encore difficile de faire tenir un dispositif aussi imposant dans une voiture – le gazogène de l’Office mesure 2 m de haut pour un diamètre de 50 cm mais les résultats enregistrés par la vingtaine de véhicules engagés dépassent les attentes, au point que le ministère de la Guerre propose son partenariat pour les concours suivants, en 1923 puis en 1925.

 

 

Les quatre camions Berliet après 2.100 km de route en 1925. © CNRS Photothèque / Fonds historique

 

 

En 1922, les véhicules devaient parcourir 120 km en deux journées ; en 1923, 1.200 km en 12 jours ; enfin, en 1925, 2.100 km en 21 jours, en passant par Paris, Douai, Bruges, Bruxelles, Liège, Sedan, Verdun, Strasbourg, Mulhouse. Un contretemps (grève des ouvriers métallurgistes belges) est alors vite oublié devant le succès du concours. Non seulement le public est au rendez-vous de part et d’autre de la frontière, mais les grands constructeurs se sont aussi lancés dans l’aventure : Panhard aligne deux véhicules, Renault, trois, équipés de gazogènes fabriqués dans ses propres usines, et Berliet, quatre. Ce sont eux qui afficheront les meilleurs résultats. Et quels résultats ! Depuis 1922, la consommation a été divisée par deux, tandis que les impuretés produites par les gazogènes ont quasiment disparu. M. Marius Berliet fut le premier constructeur de poids lourds à prendre la licence Imbert.

 

 

Schéma d’un gazogène Renault dans L’Illustration du 23 février 1924.

 

 

Un autre concours parmi tant d’autres : au mois d’août 1926, la revue mensuelle  » Le Poids Lourds » organisa un tour de France côtier sans essence de 5000 kms sous le contrôle officiel de l’Automobile Club de France.

Les gouvernements essayèrent de développer les « carburants nationaux » (bois, charbon de bois, charbons minéraux, tourbe) en versant des primes, en déduisant des taxes à l’essieu.

Malheureusement, les gazogènes ne rencontrèrent pas le succès escompté.

Après la défaite de juin 1940 et la réquisition du carburant par l’armée allemande ainsi que l’arrêt d’importation du pétrole des pays producteurs, la seule solution trouvée pour continuer à rouler fut… le gazogène ! Le gazogène était enfin connu du grand public. La quasi-totalité des véhicules motorisés en Europe continentale furent convertis pour pouvoir être alimentés au bois. Les voitures au « gaz de bois », connues sous le nom de « véhicules à gazogène » offrent une alternative certes peu élégante mais étonnamment efficiente et écologique à leurs homologues à essence (pétrole), pour une autonomie équivalente à celle des voitures électriques actuelles.

Après la guerre pourtant, la technologie tomba presque instantanément dans l’oubli quand l’essence devint à nouveau disponible.

 

 

Crédit photo : www.gazogenes.superforum.fr/t149-autocar-au-gazogene

Crédit photo:www.gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53153047v.item

Crédit photo : www.gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53153004v.item

 

 

Exposé de M. M. KŒHLER, Ingénieur E.C.L

 

Les Gazogènes par M. M. KŒHLER, Ingénieur E.C.L. article paru dans Technica – N° 66 – Août 1938.


La question des gazogènes est à l’ordre du jour et une revue telle que Technica, doit à ses lecteurs de leur exposer complètement, et avec objectivité, un problème qui présente évidemment un grand intérêt technique et dont la solution a, de plus, une grande importance pour notre économie et notre Défense Nationale), ainsi que nous l’avons démontré dans notre numéro spécial consacré à la Forêt française.


C’est pourquoi, après les articles documentés publiés au sujet des gazogènes dans ce numéro spécial, après l’étude si intéressante de M . Boulas,parue dans nos colonnes l’an dernier, nous sommes heureux de soumettre à nos lecteurs le texte intégral de la conférence faite devant le groupe parisien des Ingénieurs E.C.L. par un spécialiste tout particulièrement qualifié pour
traiter cette question, M . Marcel Kœhler. Son point de vue présente, à certains égards, un caractère d’originalité qui n’est pas le. moindre intérêt de cet exposé impartial qui sera lu avec intérêt et profit par tous ceux qui s’intéressent au développement de l’emploi des moteurs à gazogène.


Ceux d’entre nous qui travaillent dans l’industrie de l’auto savent que les installations de gazogènes sur véhicules se développent, à l’heure actuelle, assez rapidement et que les Pouvoirs publics font de leur côté de gros efforts pour qu’il en soit ainsi.

Je vais essayer de faire le point dans l’étude que je vais, vous présenter afin de vous donner une idée du problème.


Après un court historique, nous verrons d’abord le pourquoi d’un tel développement, ensuite nous examinerons ensemble en quoi consistent les installations, comment fonctionnent, ou plutôt comment devraient fonctionner chacun des éléments qui les composent. Enfin, pour terminer, je vous montrerai quelles sont les difficultés à vaincre pour que ces installations donnent toute satisfaction à la clientèle.

Les premiers essais de gazogènes destinés à alimenter des moteurs à explosions remontent à Lenoir, Otto Crossley. Primitivement, ces installations étaient fixes et accouplées à des moteurs à marche lente ; on faisait du gaz pauvre ou du gaz à l’eau, suivant des processus que je vous exposerai tout à l’heure, et ces installations étaient relativement importantes et chères pour la puissance réellement développée.

Il n’était pas question, à cette époque, d’installations transportables, et encore bien moins d’installations présentant une certaine souplesse de marche.


Les raisons du développement des gazogènes


C’est vers la fin de la guerre, et immédiatement après que les premiers gazo sur véhicules sont apparus pour des raisons de défense nationale, l’approvisionnement en essence faisant défaut.


Il y eut à cette époque un développement rapide, qui fut favorisé par les encouragements des milieux militaires sous différentes formes, primes, exonérations, etc. etc.. On avait encore en mémoire, à cette époque, les difficultés du temps de guerre. Puis, celles-ci s’estompèrent de plus en plus, au fur et à mesure qu’apparaissaient les difficultés de fonctionnement des gazogènes et que leurs inconvénients multiples se révélaient en pratique.


Le nombre total des installations qui croissait régulièrement jusqu’alors commença à décroître, en même temps que beaucoup de constructeurs d’appareils reprenaient des essais et études, en vue d’apporter les améliorations indispensables.

Depuis peu de temps, des progrès ont été réalisés,et la situation générale vient d’évoluer à nouveau. Il semble qu’un pas décisif vient d’être franchi.

Pourquoi les gazogènes se développent-ils ?

Il y a de multiples raisons ; voici les principales :

La tonne kilométrique transportée revient moins cher avec le gaz comme combustible qu’avec l’essence ou le gasoil. Les récentes augmentations sur les droits payés par les combustibles liquides n’ont fait qu’accentuer encore cette différence.

Actuellement, les chiffres approximatifs que l’on peut fixer sont les suivants.

J’ai dit « approximatifs », car ces chiffres sont susceptibles de varier suivant les conditions d’utilisation.

Pour les prix suivants :

  • La tonne de bois conditionne à Frs 200 ;
  • La tonne de charbon de bois à Frs 200 ;
  • L’Essence poids lourds à Frs 2,40 le litre;
  • Le gasoil à Frs 2 le kilo,


et pour les consommations relatives suivantes :

  • 1,2 kilo de charbon de bois à la place d’un litre d’essence ou 1,50 kilo de charbon de bois pour un kilo de gasoil,
  • 2,6 kilo de bois à la place d’un litre d’essence ou 3,2 kilo du même bois pour un kilo de gasoil,

On réalise avec les gazogènes une économie en francs de :

  • 72 % avec le charbon de bois, comparativement à l’essence ;
  • 55 % avec le charbon de bois, comparativement au gasoil ;
  • 78% avec le bois, par rapport à l’essence ;
  • 65 % avec le bois, par rapport au gasoil.


Ces quelques chiffres suffisent à eux seuls à expliquer le développement de ces installations, malgré les multiples inconvénients que nous examinerons tout à l’heure.


Mais il y a plus :


Les raisons qui militent en faveur du gazogène sont des raisons d’Économie nationale, et mieux de Défense nationale.


Les pétroles sont importés et payés en or. Chaque kilo qui entre en France représente une sortie de la contre-valeur en monnaie étrangère, et je n’ai pas besoin de vous dire quelle est, hélas, la situation de notre balance commerciale.


Au point de vue Défense nationale, il est capital d’avoir chez nous un carburant de remplacement pour les automobiles militaires ou civiles, les poids lourds et les automotrices sur les chemins de fer.

En cas de conflit, la liberté des mers n’étant pas forcément assurée, il s’en faut, on doit prévoir un ravitaillement plus ou moins difficile, partant déficient. Ce que l’on réussira à importer sera complètement absorbé par l’aviation pour les produits légers et par la machine de guerre pour les produits lourds.

Il ne reste rien ou à peu près rien pour l’automobile ; aussi ne faut-il pas vous étonner de voir les Pouvoirs publics, Ministère de la Guerre, Ministère de l’Agriculture, Office National des Combustibles Liquides, faire de gros efforts pour que se développent les installations de gazogènes. Ces efforts se manifestent par une exonération complète d’impôts pour les véhicules automobiles, par des achats de matériels, etc.


Avantages et inconvénients de l’emploi de véhicules à gazogène


Devant un tableau aussi encourageant, me direz-vous, ces installations devraient se développer à un rythme encore plus rapide et on ne devrait voir circuler que des véhicules à gazogène.

C’est que, à côté des avantages, il y a les inconvénients, et ils ne manquent pas, comme vous allez le
voir.

D’abord, le prix d’achat est élevé : Une installation coûte 6 à 8.000 francs sur une voiture, et parfois
12.000 francs ou plus sur les poids lourds: Je puis vous citer un gros poids lourd muni d’un moteur de 100 HP effectifs, capable de 12 tonnes de charge utile plus une remorque de 10 ou 12 tonnes, qui coûte, équipé au gaz, 20.000 francs de plus que le même véhicule équipé en Diesel.


Un deuxième inconvénient est l’encombrement des appareils qui sont très volumineux et lourds. Ils obligent à sacrifier sur les véhicules existants une partie importante de la charge utile. En outre, incidemment, il faut remarquer que le combustible étant plus volumineux et sa consommation en volume beaucoup plus grande, on est très vite limité dans le parcours kilométrique effectué avec une charge.

Il est courant d’effectuer la recharge tous les 100 ou 150 kilomètres. La tendance actuelle est de cher- cher à porter ce chiffre à 200 kilomètres. On y par-vient- difficilement, surtout avec les gros moteurs de 100 HP et plus.

Comme les recharges sont fréquentes, une autre question qui se pose est celle du ravitaillement. Celui-ci est difficile pour plusieurs raisons : d’abord son organisation ne peut être que progressive; elle suivra le développement des applications du gazogène. Il s’écoulera encore un certain temps avant que l’on soit assuré de trouver partout un combustible à peu près convenable.

Mais la question se complique encore du fait qu’il y a plusieurs espèces de combustibles : le bois plus ou moins sec, le bois torréfié, le charbon de bois, le charbon minéral, les mélanges, les agglomérés,etc.

Il sera très difficile de généraliser un type unique de combustible, pour la bonne raison qu’on doit en principe, pour conserver l’avantage du prix de revient, utiliser celui qui est produit sur place.

Des efforts ont alors été faits, sans grands succès d’ailleurs, pour réaliser des gazogènes poly-carburants et la question reste pour ainsi dire entière à l’heure actuelle. On arrive bien à utiliser dans certains gazogènes soit le charbon de bois, soit le charbon de terre, quitte à en tirer un gaz différent dans chacun des deux cas, mais pour utiliser du bois, c’est une autre affaire; en général, il n’y a que les modèles spéciaux pour ce type de combustible qui peuvent l’utiliser, à l’exclusion des autres.

Remarquons en passant que si le gazogène comporte un revêtement réfractaire à l’intérieur du foyer, ce revêtement doit être basique, dans le cas du bois, et acide dans le cas du charbon de terre, pour éviter l’attaque de la garniture par les cendres. Un autre inconvénient qui se manifeste bien vite dans l’utilisation des gazogènes provient des difficultés de fonctionnement et d’entretien. La mise en route qui demande un certain temps, la nécessité d’allumer le feu, de l’activer, les recharges fréquentes, la mal-propreté du carburant, son peu de maniabilité, le manque de souplesse (les reprises sont relativement laborieuses, sauf dans quelques cas particuliers) les décrassages, etc. , constituent une gêne certaine. Ce sont autant de raisons qui rebutent l’utilisateur. Je reviendrai plus loin sur ces questions, lorsque je vous décrirai l’ensemble des installations.

On s’est plaint aussi d’une usure prématurée des moteurs fonctionnant au gaz. Il est exact que des pré-cautions sérieuses doivent être prises à ce sujet. En effet, le gaz entraîne avec lui des particules solides extrêmement fines, surtout avec les combustibles minéraux. Cette finesse correspond comme dimensions à la répartition de la minéralisation dans la plante; il est très difficile de filtrer effectivement. On trouve dans ces particules des corps durs, parfois de la silice, dont les effets comme abrasifs sont connus.

A l’heure actuelle, il existe des filtres satisfaisants, sous certaines conditions cependant, notamment en ce qui concerne l’entretien. Je vous en reparlerai aussi tout â l’heure.

Enfin, un gros écueil rencontré dans le développe-ment du gazogène provient du fait suivant : Un moteur qui donne 100 HP à l’essence ne donne plus que 60 à 75 HP au gaz.

Le gaz pauvre que l’on utilise, surtout celui obtenu avec le charbon de bois, a un pouvoir calorifique assez bas et le moteur doit pomper le gaz dans toute l’installation. La perte de charge qui en résulte entraîne un mauvais remplissage du cylindre. La perte de puissance de 25 à 41 % n’a donc rien d’étonnant.

Actuellement, pour remédier à cette difficulté, on utilise un moteur plus gros, dont on soigne particulièrement l’alimentation par des tubulures et soupapes d’aspirations de très larges dimensions et on pousse la compression à 8 kilos et plus.

Signalons en passant que le gaz pauvre n’est pas détonant, sans doute par suite de la dilution du CO dans l’azote inerte, aussi l’augmentation de la compression permet d’améliorer, en même temps que le rendement, la puissance développée pour une cylindrée déterminée. On a cependant dû créer des appareils d’allumage spéciaux : bobines à voltage plus élevé, bougies à lignes de fuite plus grande; pour supporter ces voltages, afin que la forte compression ne gêne pas le passage de l’étincelle. Ces appareils commencent seulement à être appliqués.


On a pensé aussi à utiliser la pré-compression du gaz au moyen d’un compresseur volumétrique, comme sur les voitures de course. Le problème est très difficile à résoudre, je vous en parle par expérience, et dépend principalement du rendement du compresseur. Le gaz pauvre contient environ 70 % d’azote que l’on com-prime naturellement avec la partie active du gaz représentée par les 30 % restant, aussi pour que l’opération soit payante et que l’on retrouve des chevaux effectifs
en plus sur l’arbre moteur il ne faut pas que le gain que l’on espère du gavage du moteur soit absorbé par le travail du pré-compresseur. Ce n’est qu’un très bon compresseur qui peut donner ce résultat.

Le dernier inconvénient que j’ai à vous signaler est la toxicité du CO. Vous savez tous que ce gaz ne pardonne pas. La carbo oxy-hémoglobine une fois formée dans le sang ne se transforme plus. Il y a des précautions à prendre, notamment au garage. Il ne faut pas de fuite près du conducteur. C’est une des raisons pour laquelle toutes les installations fonctionnent en dépression. J’en ai maintenant terminé avec les avantages et les inconvénients.

 

Les éléments qui constituent une installation de gazogène


Le Générateur


Voyons en quoi consistent les installations de gazogènes et.quelles sont les fonctions que doivent remplir les différents appareils.Une installation comprend essentiellement :

  • 1° Un gazogène proprement dit qui est le générateur où se produit le gaz;
  • 2° Un épurateur détendeur, où le gaz sortant du gazogène, se débarrasse de ses grosses impuretés solides, des goudrons, de l’eau et où il se refroidit ;
  • 3° Un filtre où les particules les plus fines peuvent être retenues;
  • 4° Un appareil mélangeur où s’effectue le mélange gaz et air dans des proportions convenables.

Examinons en détail chacun de ces appareils.Le gazogène est un appareil très simple, un foyer où le combustible est contraint de brûler avec un manque relatif d’air. C’est en somme un très mauvais fourneau. Il se forme du CO et non du C02 comme produit de la combustion, le mélange du CO et de l’azote de l’air qui a servi à la combustion constitue le gaz pauvre. Si l’on injecte en outre un peu de vapeur d’eau, celle-ci est décomposée en H et 0, ce qui remonte de suite le pouvoir calorifique du gaz.

Donc, en principe, une masse de combustible en ignition alimentée par un trémie, un petit trou pour laisser pénétrer de l’air, le foyer se condense à cet endroit et dans le voisinage on dispose une grille qui sert à retenir le combustible et à travers laquelle le gaz passe pour entrer dans la canalisation de départ.

Diverses théories ont été émises pour expliquer la formation du CO. Certains prétendent qu’il se forme d’abord C02, puis que le C02 qui est instable à chaud se transforme ensuite en CO; d’autres prétendent que le CO se forme directement en présence d’un excès de carbone.

Je suis obligé ici d’entrer un peu dans le détail, car il y a plusieurs cas distincts à considérer dans la formation du gaz pauvre. Il en existe en effet plusieurs, de compositions très différentes.

Le gaz pauvre proprement dit, mélange de CO et d’azote ;

Le gaz à l’eau, mélange de CO d’H et d’Az ;

Le gaz mixte qui est un mélange des deux.

Gaz pauvre:


C’est celui que l’on obtient avec le carbone pur et l’air. C’est donc le cas du charbon de bois ou du charbon de terre.


La réaction de formation est la suivante : 2 C + 2 (0 + 3,8 Az) = 2CO + 7,6 Az


Cette réaction est exothermique, elle dégage 58 calories qui sont perdues. Elles sont dissipées par les parois ou emportées par le gaz qui sort chaud et qui devra donc être refroidi énergiquement.

Ce gaz a un pouvoir calorifique de 1.080 calories au m3.

Il sera utilisé dans,le moteur suivant la réaction suivante : 2 CO + 7,6 Az + 2 (0 + 3,8 Az) = 2 C02 + 15,2 Az, cette réaction dégage 134 calories qui sont les calories utiles.

Si l’on calcule le rapport, entre les calories fournies sous forme de carbone au gazogène et les 134 calories récupérables au moteur, on s’aperçoit que le rendement théorique qui est le rendement maximum possible est de 68 %. Les 32 % de pertes proviennent des 58 calories dont je vous ai parlé plus haut.

2° Gaz à l’eau :

Dans ce cas, on a : H20 + C+ = CO + H2


Cette réaction est endothermique. Elle absorbe 38 calories. Le gaz produit a un pouvoir calorifique élevé dû à la teneur en hydrogène : 3.000 calories au mètre cube.

Le rendement est très bon, il n’y a pas de pertes théoriques.

Gaz mixte :

C’est un mélange des deux. Puisque l’une des réactions est exothermique, l’autre endothermique, il était naturel de les combiner. C’est ce qui se produit avec les combustibles contenant de l’eau : le bois en particulier.

Dans ce cas, la réaction en gazogène est la suivante : H20 + 3C + 2 (0 + 3,8 Az)=H 2 + 3 CO + 7.,6 Az

Le pouvoir calorifique du gaz est de 1.500 calories au mètre cube.

Les calculs de rendement montrent facilement que le rendement théorique maximum du gazogène sera de 93 %, rapport entre les calories du bois et celles du gaz.


Pratiquement, ces chiffrés limites ne sont pas atteints. On obtient 80 % de rendement et un gaz à 1.350 calories environ.

Nous reparlerons de ces chiffres tout à l’heure, à propos des divers combustibles.

Pour en revenir au gazogène, l’essentiel est au fond qu’il ne se produise pas de C02 et qu’on en retrouve le moins possible dans le gaz. On y parvient en localisant le foyer dans un tout petit espace, ce qui élève la température, et en évitant qu’une partie de l’air ne passe directement de l’ouverture d’entrée à celle de sortie sans traverser une masse en ignition. On localise donc à l’extrême l’entrée de l’air en un point déterminé, au besoin même en la reportant à l’intérieur de la masse de combustible. C’est là la raison d’être de la tuyère dont vous avez tous entendu parler.

La combustion se produisant toujours à l’endroit même où le combustible et l’air sont mis en contact, on peut espérer, grâce à la tuyère, que la combustion sera plus complète et que l’on évitera le C02. Sans vouloir insister sur le bien fondé de cette assertion, je me contenterai de remarquer que certains gazo fonctionnent très bien sans tuyère. Je suis un peu contre cet accessoire, du moins sous la forme où il est utilisé actuellement, car il représente une complication non négligeable. La difficulté est en effet de faire tenir cette tuyère, qui est soumise à des températures très
élevées atteignant 1300°, parfois 1500°, d’où les artifices bien connus des tuyères à circulation d’eau, à refroidissement par des ailettes intérieures dans le courant d’air, tuyères réfractaires, etc.. La multitude des solutions vous prouve que le problème n’est pas résolu.

Dans le cas des gazo destinés à être installés sur des véhicules un des problèmes les plus importants est celui de la souplesse de marche. Tous ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de se battre avec un foyer pour le faire prendre, savent qu’il est difficile d’activer rapidement la combustion. Or, c’est précisément ce que l’on cherche à faire chaque fois que l’on demande, dans une période d’accélération du véhicule, un débit instantané du gaz rapidement croissant. Il arrive alors que l’air se trouve en excès pour le volume du foyer en action à ce moment et passe à côté d’un combustible suffisamment chaud, c’est-à-dire au-dessus de 550° minimum, l’on produit du C02 au lieu de CD.

Inutile d’ajouter qu’on ne peut ruser avec le moteur et qu’il s’en aperçoit tout de suite.

 

Progrès à réaliser dans la construction des appareils générateurs

 

C’est du côté du manque de souplesse qu’il y a, à mon avis, le plus à faire. On a essayé tout dernièrement des tuyères multiples, ou à section variable, et il faut encore attendre la sanction de la pratique, c’est le type de la tuyère « Unie » à commande par dépression. Personnellement, je ne crois pas beaucoup à l’efficacité de ce dispositif employé seul.

Une autre question est celle du décendrage. Le bois et charbon de bois ne donnent que peu ou pas de cendres. Par contre, l’anthracite et les mélanges de char- bon de terre et charbon de bois donnent une scorie, un mâchefer qu’il faut évacuer périodiquement, ce qui est un travail fastidieux et sale. Bien souvent, il nécessite la vidange complète du gazogène.

Là aussi il y a beaucoup à faire et l’ingéniosité de certains s’est tournée sur ce point. Je vous citerai notamment le gazogène Dupuy qui a présenté récemment une solution. Reste enfin la question durée du gazogène. De ce côté, il n’a pas été fait grand’ chose et l’on constate,sur beaucoup d’appareils, une oxydation très rapide des tôles les constituant, le soufre du charbon de terre, les produits pyroligneux du bois, l’acide acétique, etc… sont responsables de cet état de choses que l’on peut, sinon éviter complètement, du moins améliorer dans des proportions telles que ce ne soit plus
un inconvénient majeur.

Je ne vous décrirai pas tous les différents types de gazogènes, il y en a trop. De plus, ils sont en pleine évolution, leur technique n’est pas encore bien sûre malgré leur simplicité apparente.

Je renvoie ceux que la question intéresse, aux revues spéciales. Je veux seulement vous montrer sur les dessins schématiques ci-dessous quels sont les trois types principaux :

  • 1° L’ancien gazogène direct à injection d’eau, qui était utilisé dans les anciennes installations fixes ;
  • 2° Le gazogène à charbon de terre ou à charbon de bois, qui est actuellement employé sur les véhicules;
  • 3° Enfin le gazogène à bois, également inversé, avec son foyer à forme caractéristique en double tronc de cône, pour favoriser la combustion des goudrons, par une localisation du foyer ;
  •  

 

 

 

Les divers combustibles et la qualité de leurs gaz


Disons quelques mots des combustibles et de la qualité du gaz correspondant à chacun d’eux.


Vous avez entendu parler de ceux-ci : bois, bois torréfié, charbon de bois, charbon de terre, les mélanges, les agglomérés, la tourbe, certains lignites, etc … tous marchent, plus ou moins bien il est vrai. Mais pour- quoi cette diversité, pourquoi l’un d’eux n’enterre-t-il pas tous les autres Les raisons sont multiples :


Elles tiennent d’abord à l’approvisionnement, en- suite à la facilité de conduite, puis à la qualité du gaz produit.


Voyons ces points un peu en détail.

Le bois vert ou plus ou moins séché a un avantage primordial : l’approvisionnement. Du bois, il y en a partout qui n’est pas cher, car il s’agit du bois de taillis et des rémanents qui n’ont aucune valeur marchande à l’heure actuelle, dont on ne sait que faire. Les coupes mises en vente par les Domaines ne trou-vent pas preneur en ce moment.


En fait, chaque exploitant agricole, ou chaque commune, disposent presque du combustible gratuit dont ils ont besoin si on savait leur fournir des appareils convenables pour les utiliser sans complications.


Le gaz produit avec le bois est des meilleurs comme pouvoir calorifique, la combustion ne donne pas ou presque pas de cendres qui s’évacuent facilement. Par contre, le bois vert ou simplement séché contient trop d’eau, et si l’on a espéré faire directement avec lui du gaz à l’eau, dont le pouvoir calorifique est beaucoup plus élevé, on a dû vite déchanter.

L’eau n’est pas toujours décomposée en totalité, il y a des condensations, des inondations de l’installation même, et en particulier Ses filtres qui se colmatent.


Autre inconvénient : les goudrons du bois sont sou-vent mal brûlés, et ils jouent aussi de temps en temps leur petit tour à l’usager, colmatage de filtre, ennuis de divers ordres au moteurs, soupapes qui restent en l’air; enfin, le bois est très volumineux, d’où des appareils très encombrants et des recharges fréquentes.


Passons maintenant au bois torréfié. C’est, à mon avis, le combustible le plus intéressant. La torréfaction du bois consiste à le chauffer aux environs de 250, 280 degrés, c’est-à-dire juste en-dessous du point où commence à se faire une réaction exothermique.


Dans ces conditions, l’eau d’imbibition est chassée, et il ne reste plus que l’eau de constitution dans la cellulose qui représente encore 15 à 20 % du poids du bois, suivant les essences.


Ce combustible est intéressant parce qu’il est facile à produire partout avec un outillage relativement simple et qu’avec certaines précautions il contient juste la quantité d’eau nécessaire pour donner le gaz mixte dont je vous ai parlé tout à l’heure.


En fait, le gaz obtenu est encore plus riche que le gaz mixte, il donne 1.600 calories au mètre cube, car le bois contient, outre l’eau, des goudrons et pro-duits pyroligneux qui donnent un certain pourcentage d’hydrocarbures.


Avec le bois torréfié, l’allumage est facile, les reprises meilleures, etc.. mais il doit être employé dans un gazo convenable.


J’insiste sur ce point, car de ce côté il y a de très gros progrès possibles. Beaucoup d’appareils à bois ne donnent pas satisfaction, surtout au point de vue du brûlage des goudrons dans la marche prolongée au ralenti.


Le rendement est très bon puisqu’il atteint 93 % théoriquement au gazogène, et la préparation du bois torréfié se faisant en utilisant sur place en forêt les rémanents sans valeur, ne coûte pas cher.

Avec ce combustible, c’est donc 93 % des calories existant en forêt que l’on retrouve sans le gaz.


Le bois torréfié est encore peu répandu, mais on peut lui prédire le plus bel avenir. Il fournit un gaz
riche, sans cendres, ni scories au foyer. Il est d’un volume plus acceptable que le simple bois séché, parce que, en général, il sera mieux débité et que la torréfaction augmente sa densité. Il est d’un prix de revient minime, car il peut être facilement préparé sur place par une main-d’œuvre quelconque.


Voyons ce qu’il en est au contraire, avec le charbon de bois.


Le charbon de bois est aussi vieux que le gazogène, c’est avec lui que l’on a commencé, parce qu’il donne très facilement du CO.


Comme je vous l’ai dit plus haut, un tube avec du charbon de bois dedans, un trou d’entrée d’air, un
autre pour le départ du gaz, et voilà un gazogène à charbon de bois.


Ceci vous explique que tout le monde se soit jeté sur ce combustible, qui est peut-être, à l’heure actuelle, le plus répandu comme distribution et comme emploi, car celui-ci est facile. Il ne donne pas, ou presque pas de cendres, qui s’évacuent assez facilement.


L’allumage est très rapide. On en trouve assez facilement presque partout. Il a donc des avantages évidents.


Par contre, il a aussi des inconvénients majeurs :


D’abord, il est friable et sa manipulation est sale et il demande lui aussi des recharges fréquentes, mais surtout il représente un gaspillage de calories formidables. Le rendement final de l’opération est des plus mauvais.


En effet, la préparation du charbon de bois, qui est d’ailleurs un peu délicate, ne peut se faire qu’en perdant la moitié des calories disponibles en forêt, et cela sans profit pour personne.


Les usines de carbonisation, avec récupération des sous-produits de distillation : goudrons, produits pyroligneux, etc.. seront d’un développement difficile en raison de leur importance, qui les rend intransportables en forêt, ce qui obligera à transporter le bois et perdre par conséquent -100 % des rémanents.


Incidemment les usines de carbonisation demandent, jusqu’à preuve du contraire, une main-d’œuvre spécialisée, chère, la conduite des fours étant assez délicate, et il faudra former un personnel.
La généralisation des usines de carbonisation sera assez difficile. Elles seront localisées, il y aura donc encore des frais de transport.


Il est possible que l’on en reste à la simple carbonisation en forêt.


Mais il y a plus, nous avons vu que le rendement en calories dans le cas de gazogène à carbone pur, ce qui est le cas du charbon de bois, était au maximum de 68 % des calories du charbon de bois. Ce n’est donc, finalement que 34 % des calories existant en forêt que l’on va retrouver dans le gaz, ce qui représente un gaspillage énorme.


Si encore le gaz était meilleur. Mais nous avons vu qu’il ne donne que 1100 calories maximum au mètre carré, aussi il s’en suit, avec ce combustible spécialement, une perte pins importante de puissance au moteur.


Enfin, avec le charbon minéral, c’est-à-dire l’anthracite et le coke, il y a aussi le pour et le contre.


Il présente l’avantage d’être régulier comme qualité, pour une source déterminée, ou du moins d’être aussi régulier qu’un charbon peut l’être.


Il produit un gaz plus riche que le charbon de bois, car il contient un peu de matières volatiles qui augmentent un peu le pouvoir calorifique définitif.


Il représente une réserve de marche plus grande que tous les autres combustibles, sous le même volume, et c’est peut-être son principal avantage.


Par contre, il a trois inconvénients principaux :


1° Si son emploi se développait, le charbon convenable m existerait pas en quantité suffisante en France.


Nous sommes déjà importateurs de charbon en général et de charbon de gazogène en particulier.
De plus, la répartition des mines françaises est très irrégulière dans le pays. Celles susceptibles de livrer le charbon convenable pour les gazogènes sont en nombre très limité, le problème de transport se pose donc avec, comme corollaire, le prix de revient plus élevé.


2° Le deuxième inconvénient majeur du charbon minéral est l’encrassement du foyer. La température de combustion élevée favorise la formation d’un mâchefer que le chauffeur du poids lourd ou de la voiture doit enlever périodiquement. J’ajoute que pour une
fois, il n’a pas volé son nom de chauffeur charbonnier, car il récolte, au cours de l’opération, tous les
signes extérieurs distinctifs du métier : mâchurage, etc. etc…

3° Enfin, il nécessite un filtrage très soigné par suite de la présence de silice.

Cet aperçu sur les divers combustibles vous montre que le problème du gazogène revêt des aspects très divers, suivant que l’on se place au point de vue du gaz produit, ou bien de l’approvisionnement, ou du fonctionnement des gazogènes proprement dit.

Ceci vous explique aussi, en partie tout au moins, la diversité des appareils et leur nombre sur le marché.

Nous en avons terminé avec le gazogène, mais armez-vous de patience, je n’ai pas encore terminé mon exposé.


Passons maintenant aux autres appareils composant les installations.


L’épurateur-détendeur, le filtre, le mélangeur

 

L’épurateur-détendeur est à la fois un refroidisseur de gaz par son volume et sa surface et un appareil à chicanes où peuvent se déposer les grosses impuretés ; en outre, l’eau s’y condense, ainsi que les goudrons lorsque ceux-ci ont passé à travers le foyer sans être brûlés.


Parfois cet appareil est disposé à l’arrière du véhicule, et il y a tout un circuit de tubes sur la voiture de l’avant à l’arrière, puis de nouveau de l’arrière à l’avant. C’est encore une question de refroidissement des gaz.

Ensuite vient le filtre proprement dît. Ici se pose un problème très important. Les gaz entraînent avec eux des poussières très fines qu’il s’agit de retenir, car elles sont nuisibles au moteur. Elles contiennent souvent, surtout avec les combustibles minéraux, un peu de silice dont les effets abrasifs sont connus.

On essaye de retenir ces particules par filtration à travers des tissus spéciaux à mailles très serrées, mais ces filtres se colmatent assez facilement, soit par accumulation des particules, ce à quoi on remédie assez facilement par des dispositifs mécaniques de raclage (soit automatiques, soit commandés à la main), mais aussi, et c’est beaucoup plus grave, lorsque l’eau vient se condenser dessus alors qu’ils sont déjà recouverts d’une couche de poussières, il se forme dans ce cas une boue absolument impénétrable et il n’y a plus qu’un remède : changer les éléments ou les faire sécher et les racler, etc..;

A signaler en passant les filtres à poussières de liège de Gohin. Cette poussière comprend des parti-cules de deux calibres différents : une poussière très fine qui provient des usines de fabrications de bouchons par meulage, et un granulé de 2 mm. Environ.

Le tout est mis dans un filtre à tissu ordinaire et les grasses particules entraînent les petites, avec les impuretés du gaz, dans une chute libératrice, lorsqu’il y a arrêt du débit.

Il y a aussi des filtres genre scrubbers, à liège humide, genre Imbert, ou à lavage par liquide, ainsi que des filtres à léchage de surface humides ou huilées. Ce ne sont pas les dispositifs qui manquent, mais bien des résultats absolument sûrs et réguliers.

Finalement, nous en arrivons au point où nous avons un gaz propre et froid qu’il s’agit d’utiliser dans le moteur. Ce gaz contient 70 % d’azote environ, de l’oxyde de carbone, du C02, H, CH4 ou d’autres
carbures d’hydrogène.

Les propositions varient sensiblement, suivant le gazogène et le combustible employé. Voici, à titre d’exemple, quelques compositions :

Gaz obtenus avec un bois à 20 % d’eau ;

CO. . . . 23 %

H …. 17,5 %
CH4…. 1,5 %
C02…. 7,5 %
Az…. 50,5


Bois à6% d’eau par carbonisation à400° :


CO…. 28 %
H. . . . 12,5 %
CH4 ….1,3 %
C02…. 4,5 %
Az…. 53,7


Avec charbon de bois contenant6% H20 :


CO ….32,5 %
H ….4 %
C02…. 1,2 %
N…. 62,3 %


Pour utiliser le gaz, il faut le mélanger avec de l’air en des proportions telles que l’air apporte l’oxygène nécessaire à la combustion de tous les éléments que je viens de vous énumérer. Ce mélange s’effectue dans un appareil qui a été baptisé mélangeur.

Au début, il se composait d’une tubulure en forme d’Y. Le gaz arrivait par une des branches supérieures de l’Y, l’air par l’autre branche. Il y avait dans celle-ci un papillon de réglage et le tout était relié à l’aspiration du moteur.

Ce dispositif simpliste pouvait être admis au début, car il fonctionne presque bien. Il est, en effet, plus simple théoriquement de mélanger deux gaz en proportion constante à des débits variables, que de mélanger un gaz et un liquide comme on le fait dans un carburateur.

Actuellement, les usagers sont devenus un peu plus difficiles et exigent, ce qui me semble d’ailleurs tout à fait justifié, que le fonctionnement, c’est-à-dire le dosage, soit entièrement automatique depuis l’extrême ralenti jusqu’à plein gaz a faible vitesse, ce qui revient à dire que les proportions du mélange air-gaz soient toujours théoriquement bonnes, quelles que soient les conditions d’utilisation, éï cela sans avoir à modifier, à la main, le papillon de réglage du mélange qui est ajusté une fois pour toutes au départ, d’après la qua-lité du combustible employé.

A l’heure actuelle, des tentatives multiples sont faites dans ce sens. Ces appareils n’ont en général pas encore reçu la sanction de la pratique.

Encore un mot pendant que nous en sommes au mélangeur. On lui adjoint souvent un petit carburateur pour la mise en route du moteur à l’essence, ce qui permet, par l’aspiration produite, un allumage plus rapide du gazogène. On passe ensuite progressivement au gaz et l’on ferme l’essence. Cette disposition semble avoir tendance à disparaître, surtout sur les poids lourds. Elle « est alors remplacée par la suivante : Un ventilateur électrique actionne par la batterie de démar-rage, aspire dans le gazo. Lorsque le gaz est bon, ce dont on s’assure en l’enflammant à la sortie, on met directement en route. L’essence est ainsi complète-ment supprimée.

 

Conclusions


Voici presque terminé l’exposé que je voulais vous faire. Je me suis fixé pour but de vous brosser un
tableau très rapide de ce que sont ces installations, en envisageant les différents point de vue auxquels on peut se placer, car la question ne manque pas de complexité, comme vous avez pu vous en rendre compte. J’ai essayé d’être aussi complet que possible, sans trop abuser de votre patience, mais je n’ai pas cependant la prétention d’y avoir réussi. Je vous prierai donc d’excuser les omissions que j’ai pu faire.

Comme vous le voyez, il y a des tas d’incidentes et le nombre de problèmes que soulève l’utilisation du gazogène sur des véhicules est très grand.


A ceux que la recherche passionne, je rappellerai les principaux points à perfectionner :

Il faut un gazogène qui s’allume facilement et très rapidement, un allumage automatique serait désirable. Ce gazogène devrait brûler n’importe quel combustible sans complications de fonctionnement, dépôts, condensations, encrassement ; les étapes devraient être assez longues sans recharge ou décendrage. La souplesse de fonctionnement devrait permettre des reprises sans incident.

Enfin, le volume et le poids ne doivent pas entraîner une perte considérable de la charge utile.

Pour l’épurateur, il doit débarrasser le gaz sans perte de charge appréciable des grosses impuretés, des goudrons, de l’eau.

Le filtre ne doit pas pouvoir se colmater ou se crever et il doit retenir toutes les particules solides, même les plus fines.

Le mélangeur, lui, doit donner une proportion convenable du mélange air-gaz aux différents régimes de charge et de vitesse, et cela d’une façon entièrement automatique.

L’installation doit être d’un prix et d’un amortissement abordables, la rouille ne doit en prendre possession que le plus tard possible.

Vous le voyez, il y a à faire. J’espère que, grâce à leurs connaissances, quelques-uns d’entre-vous, qui sont au courant de la question, apporteront bientôt leur obole dans la sébile du progrès sous la forme d’un de ces perfectionnements dont les anciens élèves de l’École Centrale Lyonnaise ont le secret.


M. KŒHLER (E.C.L. 1912).

 

 

Sources :

  • www.futura-sciences.com/tech/dossiers/technologie-etonnantes-inventions-savants-1382/page/5/
  • www.techno-science.net/definition/10336.html
  • www.econologie.com/gazogene/
  • www.fr.wikipedia.org/wiki/Gazogène
  • archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fchevrolet-gazogene-imbert.e-monsite.com%2Fpages%2Fle-gazogene-a-bois-imbert-koln.html#federation=archive.wikiwix.com&tab=url
  • www.histoire.ec-lyon.fr/index.php?id=1300

 

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