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Les semailles

Le Semeur – tableau de Jean-François Millet (1850)
Après les labours …
Au champ, le travail commence à l’automne, après le labour des champs, on semait le grain, et éventuellement au printemps.
Au néolithique, sans procéder à des labours préalables, les premiers agriculteurs enfouissaient les graines à l’aide d’un long bâton pointu qui leur permettaient de faire un petit trou ou une rigole où ils déposaient les graines. Le recouvrement pouvait être fait par un léger piétinement. Plus tard viendra l’enfouissement avec l’emploi d’une houe. Dans l’Antiquité, les paysans égyptiens, semaient « à la volée » sur le limon détrempé par le Nil. Puis à l’aide d’un araire, ils « griffaient » le terrain pour recouvrir les graines. Cette méthode sera adoptée en Europe dans l’Antiquité et au Moyen Âge, après les labours les paysans semaient « à la volée ». Tout en avançant d’un pas régulier, le semeur puisait d’une main les graines dans une poche qu’il portait à la taille. Puis d’un mouvement horizontal, en arc-de-cercle, et mesuré du bras, en ouvrant la main il projetait le plus régulièrement possible les graines qui tombaient en éventail sur le sol. Cette opération est délicate car il ne faut pas que les graines tombent en dehors de la surface labourée, elles y seraient perdues ; de plus il faut éviter le chevauchement des « éventails » formés par les graines ou bien les « trous » sans graines. Immédiatement derrière le semeur on procède au hersage. Le XVIe siècle voit apparaître les semoirs mécaniques tractés par des animaux. Les graines sont placées dans un coffre au fond perforé et s’écoulent régulièrement par les trous lors du déplacement du semoir. C’est ce principe qui est toujours utilisé de nos jours.
Il ne suffit pas d’exécuter régulièrement les semailles, il faut aussi n’employer que de bonnes graines. La qualité des semences dépend de deux facteurs principaux, leur pureté et leur valeur propre à sa nature.
La pureté des graines consiste dans l’absence du mélange avec des graines d’autre sorte. Cette pureté se décèle par l’examen attentif, lorsqu’il s’agit de constater si la semence n’est pas mélangée avec des graines appartenant à d’autres espèces : on peut d’ailleurs obtenir une pureté à peu près complète, sinon même absolue, pour les graines de céréales, en les faisant passer au trieur. Mais il n’en est plus de même quand il s’agit de semer une seule variété d’une espèce, par exemple une seule variété de blé sans mélange. En effet, les graines des diverses variétés d’une même espèce ont la même forme générale, et si elles diffèrent par certains caractères secondaires, il est souvent difficile de distinguer le mélange de certaines variétés. Ces mélanges ne présentent d’ailleurs, pour certaines plantes du moins, que des inconvénients relatifs. En ce qui concerne le blé, par exemple, un certain nombre de cultivateurs ont maintenant l’habitude de semer ensemble plusieurs variétés dont les exigences ne sont pas absolument les mêmes, qui n’ont pas exactement la même époque de maturité, et dont les tiges n’atteignent pas exactement la même hauteur. C’est, pour eux, un moyen efficace d’assurer le sort de la récolte contre les effets des intempéries, et de maintenir la régularité des rendements, autant qu’on peut la maintenir malgré les caractères différents des saisons.
Quant à la valeur propre à la nature des graines, c’est une qualité sur laquelle on ne saurait trop insister. A quoi peut-on aboutir, par exemple, quand on sème 150 litres de grain par hectare, s’il n’en lève que la moitié ou même le tiers ? On n’aura évidemment qu’une faible récolte, et non seulement on n’aura pas le profit sur lequel on était en droit de compter, mais on aura perdu une partie des dépenses que l’on avait dû faire pour préparer cette récolte. On doit donc veiller avec soin sur la qualité de ses semences. Le meilleur procédé pour reconnaître cette qualité est de procéder à de petits essais de germination, qui permettent de constater quelle est, sur un lot de semences, la proportion des bonnes graines. On calcule ensuite la quantité que l’on doit répandre, d’après cette proportion. Ce n’est ni long ni difficile. On peut procéder à ces essais dans de petites terrines placées sous châssis, ou même simplement en plaçant les graines dans une assiette entre deux morceaux de drap maintenus humides. et en plaçant cette assiette dans un endroit chaud, près d’un poêle ou d’une cheminée. En règle générale, les graines nouvelles, c’est-à-dire celles de la dernière récolte, sont toujours préférables à des graines plus anciennes. En outre, on doit toujours choisir les semences parmi les graines les plus belles, les plus lourdes, celles qui représentent le mieux les caractères de la variété; c’est le meilleur moyen d’avoir des plantes robustes et productives
Le « geste auguste du semeur »
Le geste des semailles du blé restera un des plus symboliques de l’homme intégré à la nature. Mouvement régulier comme le balancier d’une horloge, c’est plus qu’une technique, c’est un art et un rite, il évoque la mesure du temps.

Sans semoir mécanique, la semence était répandue en surface à la volée. Le semeur portait les graines de semence dans un bon sac de jute qui servait d’une année à l’autre , un pli de son vêtement ou dans un récipient. Au fond du sac, dans un coin, on faisait une boule. On faisait la même opération presque en haut du sac (le long de la couture). Une fois les deux boules attachées, on les reliait avec une cordelette solide. Une fois terminé on passait la cordelette comme pour une musette, sur l’épaule droite pour un droitier, à gauche pour un gaucher.

Semoir en lignes Huard, 1902 (Crédit photo : www.gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9757566j/f63.image Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication).

Semoir mécanique – crédit photo : licence Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International.
Après avoir chargé les sacs de blé de semence sur une charrette, avec la herse, et la planche, le paysan partait pour semer. Arrivé à destination, le matériel était descendu de la charrette. Il coupait quelques branches d’arbustes, souvent préparées à l’avance, elles servaient de jalons pour semer à la main. Un semeur droitier partait toujours de l’extrême droite du champ, au bord du labouré, après avoir mis le premier jalon à cinq ou six pas du bord, dans le sens de la largeur, un autre dans le même alignement et un troisième au bout du champ. Si le champ était d’une grande longueur il fallait plusieurs jalons supplémentaires. Une fois les mesures terminées, il fallait mettre le grain dans le sac, une vingtaine de kilos environ, souvent plus, suivant la force du semeur. Après avoir mis le sac en bandoulière sur son épaule, on plaçait un morceau de bois, d’une longueur de trente centimètres environ, en travers de la bouche du sac pour la maintenir ouverte et pouvoir entrer la main facilement à l’intérieur afin de prendre une poignée de grains. Semer n’était pas facile, car il fallait synchroniser les pas et la main droite. Lorsque le semeur envoyait le pied gauche en avant, la main droite entrait dans le sac et prenait une poignée de grains. Lorsque le semeur la ressortait, le pied droit était déjà parti. Le bras droit partait vers l’avant en formant un demi cercle de droite à gauche, comme une faux. C’est à ce moment là que la main s’ouvrait comme un éventail et que les grains étaient projetés devant le semeur sur une largeur de trois mètres environ et de façon régulière.
Une fois arrivé au bout du champ, le semeur revenait au point de départ et partant de la canne du bas, il laissait le sac par terre pour ne pas perdre l’alignement des autres cannes et déplaçait la canne de six mètres sur la droite. Il reprenait son sac, revenait en semant au point de départ et déplaçait les cannes, et ainsi de suite jusqu’à la fin du champ.
Lorsque le sac était presque vide, que la main droite avait des difficultés à prendre une poignée de grains, il fallait, avec la cuisse et le genou de la jambe gauche que l’on montait le plus haut possible, prendre les grains dans le fond du semoir. C’était important car si les poignées n’étaient pas régulières, le semer serait plus clair à cet endroit.
Un bon semeur peut ensemencer, dans une journée de neuf à dix heures, de 5 à 6 hectares, selon la largeur des trains qu’il sème à chaque rayage et selon aussi qu’il suit la méthode à jets simples ou la semaille à jets doubles ou croisés. Un semeur qui projette la semence en croisant ses jets a utilement employé son temps quand il a semé, en automne ou au printemps, en moyenne, 4 hectares par jour.
Une fois le grain lancé, il fallait le recouvrir assez rapidement avec la herse pour éviter que les oiseaux pilleurs, corbeaux ou pies, venaient picorer les grains.
L’enfouissement des semences projetées à la volée dans les circonstances ordinaires se fait à l’aide de divers moyens. L’emploi du râteau ordinaire appartient spécialement à la petite culture. Cet instrument, lorsqu’il est bien dirigé, exécute un travail parfait, mais il opère avec lenteur. Aussi n’est-il employé que dans les contrées où le sol est très meuble et sur les exploitations ayant de très petites parcelles.

Une herse ( crédit photo : licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported)

Hersage dans les années 1940-1950
La herse présente des avantages incontestables. D’abord son emploi est souvent indispensable pour ameublir et niveler les guérets qu’on doit ensemencer. Les semailles faites sur un sol labouré mais non hersé laissent beaucoup à désirer, surtout si le labour a été mal exécuté; ainsi, les semences sont presque toujours, agglomérées dans les cavités que présenté le sol ou dans les sillons situés entre les angles saillants formés par les bandes de terre. C’est pour éviter à cet inconvénient ou pour que la semence soit mieux répartie sur le sol et qu’elle se trouve plus régulièrement enterrée qu’on exécute un hersage léger avant d’opérer le semis.
Quand on enterre des semences de seigle, on ne herse ordinairement qu’une fois, parce que ces graines ne doivent pas être enfouies profondément. Alors, on choisit de préférence des herses légères à dents de bois et à un cheval. Lorsqu’on enterre des semences de froment ou d’avoine avec des herses à dents de bois sur des sols labourés à plat, il faut, si l’on emploie des, herses à dents un peu inclinées par rapport :au plan du bâti, diriger les pointes des dents en avant, c’est-à-dire herser en accrochant. On ne doit herser en décrochant, c’est-à-dire diriger les pointes des dents en arrière que lorsqu’il s’agit d’enfouir des graines peu volumineuses. Enfin il est souvent utile, dans les mêmes conditions, de répéter le hersage, afin que toutes les graines soient enterrées à 5, 6 et 8 centimètres de profondeur. C’est ce qu’on appelle un hersage à deux dents; il est très en usage dans les départements appartenant à la région du nord-ouest, où la plupart des cultivateurs enterrent les semences avec des herses trapézoïdales à dents de bois ou de fer. En règle générale, plus les graines sont grosses, plus elles doivent être enterrées.
Lorsqu’on sème une céréale de printemps sur un labour d’hiver, ou sur une prairie naturelle ou artificielle défrichée par un labour pendant les mois de novembre et de décembre, on peut remplacer la herse ayant des dents en fer par un scarificateur léger, si le sol a été labouré à plat ou en grandes planches. Cet instrument ameublit bien le sol et en-terre parfaitement les graines.
Lorsque la herse était passée il fallait finir de casser les mottes et aplanir la terre. Certains paysans passaient un rouleau en pierre ou en bois. Le rouleau uni sert souvent pour enterrer les semences fines telles que les graines de trèfle, de luzerne, de navet, etc… Cet instrument n’opère bien que quand la surface du sol est meuble et sèche. En écrasant les petites mottes, il couvre très bien les graines. Il a aussi l’avantage d’enfoncer les pierres dans la couche arable, ce qui rend plus tard le fauchage plus facile. D’autres paysans utilisaient une planche assez large. Pour se tenir dessus, il fallait être un peu équilibriste, debout en équilibre avec les guides du cheval dans les mains. Souvent pour faire plus de poids, on mettait une grosse pierre, un essieu de charrette, ou alors faire monter un petit tout content d’être assis sur la planche.

Un rouleau en bois

Un rouleau en pierre
Environ un mois après les semis, les champs commençaient à verdoyer. De l’automne, au printemps ils étaient verts, parsemés du rouge des coquelicots. Au mois de Juin, lorsque les épis étaient formés, et qu’il faisait un peu de vent, les champs ondulaient comme une vague verte, attendant les moissons de juillet.
Puis vint à grands pas la mécanisation agricole …
Le méteil
Les champs étaient semés de blé, d’orge, d’avoine, de seigle ou de méteil pour les animaux de la ferme.
Le méteil, mélange naturel dans les champs de blé et de seigle, avait pour avantage de valoriser les terres moyennes en préservant des aléas climatiques et variantes en rendement. C’est ainsi, pour des raisons économiques, ce mélange naturel né dans les campagnes aux XVIIIe et XIXe siècles, fut adopté par un grand nombre d’agriculteurs.
Autrefois, le méteil, comme la majorité des céréales à l’époque, était moulu pour obtenir de la farine, qui servait notamment à faire du pain, base de l’alimentation, mais la farine de méteil, comme la farine de seigle, était peu appropriée pour cet usage. Les caractéristiques du pain de méteil sont intermédiaires entre celles du pain blanc, fait à partir du froment, et celles du pain de seigle, à l’odeur plus marquée. Son prix était donc inférieur à celui du pain blanc, fixé en 1766 aux deux tiers du prix de celui-ci, quand la livre de pain de seigle valait la moitié d’une livre de pain de froment. Il faut toutefois prendre avec précaution le terme de pain de méteil employé à l’époque, puisque les boulangers y incluaient, par extension, le pain obtenu à partir de farines inférieures de froment.
À partir du milieu du XIXe siècle, le méteil commence à décliner lentement. Le méteil composé de céréales/légumineuses avait exclusivement une vocation fourragère, pour l’alimentation animale.
Sources :
www.education.persee.fr/doc/
www.fr.vikidia.org/wiki/Semailles